« On n’a jamais autant parlé de République, et jamais fait aussi peu pour la défendre »

Retrouvez mon interview sur le projet de loi principes républicains dans Marianne.

Opposé au projet de loi sur le séparatisme, le député de la France insoumise estime que le gouvernement fait fausse route en défendant une vision hors sol de la République. Il répond également aux accusations de complaisance envers l’islamisme adressées à son mouvement.

Alors que le projet de loi sur le respect des principes de la République est examiné à l’Assemblée, les élus de la France insoumise ferraillent pour combattre ce texte, qu’ils accusent d’être liberticide, anti-laïque et dépourvu de toute ambition sociale. Les députés du mouvement de Jean-Luc Mélenchon sont eux-mêmes sous le feu des critiques, accusés d’avoir abandonné la fermeté républicaine pour fermer les yeux sur la dangerosité de la menace islamiste. Marianne aborde tous ces sujets avec Alexis Corbière, fidèle compagnon de route de Jean-Luc Mélenchon et député de la Seine-Saint-Denis. Le parlementaire estime que pour combattre la menace communautariste, les moyens de répression sont moins efficaces que la nécessité de faire « aimer la République » en défendant les services publics et la possibilité d’une émancipation pour tous.

Marianne : Jean-Luc Mélenchon a estimé que le projet de loi confortant le respect des principes républicains, actuellement débattu à l’Assemblée nationale, stigmatisait les musulmans. De votre côté vous estimez qu’il s’agit d’un texte de « suspicion généralisée » envers les musulmans. Pourquoi ?

Alexis Corbière : Ce texte est avant tout un outil de communication politicienne qui tente de masquer l’impuissance de la majorité face aux récents attentats terroristes islamistes. Mais cette loi étonne par son aspect confus. Le texte est très prolixe sur des pratiques déjà interdites par la loi et très minoritaires, mais au contraire silencieux sur de grands problèmes qui fracturent la République. Ce projet de loi est également, sans l’assumer bien sûr, une succession de mesures suspicieuses envers les associations cultuelles musulmanes. Pour les cibler sans les nommer, le gouvernement recourt comme souvent à des astuces sémantiques. Il pointe ici les structures qui procèdent « au recrutement d’un ministre du culte ». Ainsi les associations relevant des autres cultes sont-elles épargnées par ces mesures, même si les protestants se sont sentis eux aussi visés. Ce texte exige des associations cultuelles musulmanes qu’elles s’organisent de façon plus démocratique parce qu’elles seraient susceptibles d’être subverties par des putschs salafistes. Cette réalité n’a jamais été démontrée lors des auditions parlementaires. Le législateur est amené à se prononcer sur des menaces qui ne sont pas caractérisées. Reconnaissez que c’est embêtant !

D’autre part, cette exigence pressante ne vaudrait-elle que pour un seul culte ? Non. D’autres éléments confortent cette impression de suspicion généralisée : extension des pouvoirs de l’administration pour dissoudre une association cultuelle, au détriment du juge ; possibilité de « punition collective » d’une association pour la faute d’un seul de ses membres. Quand les représentants de tous les cultes se sont émus de ces mesures, le ministre de l’Intérieur et les responsables LREM ont fait comprendre que cela ne les visait pas. C’est donc les musulmans et eux seuls qui seront visés par cette loi si elle est adoptée.

Pour ma part, je reste fidèle à la loi de 1905. Les croyants comme tous les citoyens doivent respecter la loi. Mais, ce n’est pas à l’Etat de se mêler de la façon dont s’organisent les cultes.

Vous proposez une abolition du Concordat en Alsace-Moselle…

C’est une question de principe pour pouvoir développer une pédagogie républicaine et laïque convaincante. Lorsque j’exerçais comme professeur dans un lycée professionnel en Seine-Saint-Denis, j’ai compris que la laïcité était parfois perçue comme un principe d’hostilité et qu’il fallait inlassablement expliquer son caractère émancipateur et universel. Comment donc admettre que la laïcité ne soit pas appliquée dans 3 départements, qu’on y finance trois cultes (et pas les autres) avec l’argent de tous les Français ? Si on veut faire reculer les particularismes religieux et défendre l’idée d’une communauté nationale où les citoyens sont tous égaux devant la loi quelle que soit leur conviction spirituelle, la persistance de l’exception du Concordat est choquante. Nous avons besoin de cohérence, non d’une laïcité à géométrie variable. Accepter intellectuellement l’idée du Concordat, c’est claquer la porte à l’universalisme républicain et la tenir ouverte à tous les particularismes et privilèges. Cela vaut aussi pour des points parfois considérés comme anecdotiques mais qui sont lourds de sens. Pourquoi le président de la République accepte-t-il d’être chanoine de Latran ? Pourquoi certains cultes sont-ils financés par de l’argent public en Outre-Mer ? Cela donne l’impression détestable que l’Etat reste intimement lié à une religion rendue quasi officielle dans certains territoires. Ces vestiges qui n’ont rien à voir avec la République n’ont plus de sens. Je veux la même loi laïque pour tous, partout.« Les mêmes élus, qui exigent des citoyens, une neutralité totale en matière religieuse, organisent le mélange du politique et du religieux »

La France insoumise préconise également l’interdiction pour les élus de participer ès-qualités à des cérémonies religieuses…

Notons d’abord que la droite et même quelques députés macronistes, emboitant le pas au RN, souhaitent par des amendements étendre l’exigence de neutralité religieuse à tous les citoyens, dans la rue, dans la pratique sportive, lorsqu’ils accompagnent des sorties scolaires, à la plage, etc. C’est une incompréhension totale de la laïcité. L’Etat et ses représentants doivent être neutre, pas les citoyens. Mais les mêmes élus, qui exigent des citoyens, une neutralité totale en matière religieuse, n’hésitent pas à s’afficher avec leur écharpe tricolore à des cérémonies religieuses, organisant eux-mêmes, sans complexe ni honte, le mélange du politique et du religieux : vœu de Nice, vœu des Échevins à Lyon, messe à Orléans pour Jeanne d’Arc, messe organisée sur fonds publics par Robert Ménard à Béziers. Quel est le sens de tout cela ? Que la République et ses élus privilégient un culte sur les autres ? Un élu n’a pas à organiser ou instrumentaliser une cérémonie religieuse. Cela vaut aussi pour la participation à des cérémonies de rupture du jeûne, parfois organisées sur fonds publics comme à la Mairie de Paris. Bien sûr, lors d’événements exceptionnels et graves, comme l’attaque d’un lieu de culte ou même un décès, il est juste que les élus viennent manifester leur solidarité. Chacun comprendra la différence avec ce que je dénonce. Ma solution est simple : élus, donnez l’exemple ! Cessez de participer à des cérémonies religieuses qu’aucun évènement exceptionnel ne justifie !

A la tribune de l’Assemblée, vous avez vigoureusement défendu l’école publique, décrite comme «le grand absent » de la loi. Quel lien avec la lutte contre le communautarisme ? 

L’école publique est le fondement de la République. C’est là, en théorie, que la conscience républicaine se forge. C’est là, en théorie toujours, que les citoyens en devenir, issus de différents milieux sociaux, se brassent, s’instruisent ensemble et apprennent à faire Nation. La réalité est bien différente de ce principe. Aujourd’hui, selon les quartiers, l’école publique est à plusieurs vitesses. Plusieurs centaines de communes en sont même dépourvues, n’offrant comme seule possibilité que le recours aux établissements privés. D’une commune à l’autre, d’un quartier à l’autre, les moyens diffèrent, les élèves en difficultés se concentrent dans les mêmes classes, les enseignants sont moins facilement remplacés et bien d’autres inégalités se font jour. Je rappelle que le collège le mieux doté de Seine-Saint-Denis est moins bien doté que le collège le moins bien doté de Paris.

Tous les parents le savent : il existe un sournois « séparatisme scolaire ». Même les plus grandes consciences républicaines sont troublées au moment de choisir l’école de leurs enfants : c’est alors le jeu des petites combines, des relations, du choix des options, ou de l’école privée, afin de placer son enfant dans le meilleur établissement. Je ne fais le reproche à personne de vouloir le mieux pour ses enfants. Mais le constat est que nos enfants ne vont plus dans les mêmes écoles. Dès le plus jeune âge, ils n’apprennent plus ensemble, ils ne jouent plus ensemble, ils ne grandissent plus ensemble. Si l’on accepte le « sauve qui peut, chacun pour soi » où seuls ceux qui disposent de la fortune ou de connexions peuvent placer leur enfant dans le bon établissement, alors tout est perdu. La République, c’est l’émancipation pour tous, l’égalité des droits, le droit pour chacun à une éducation de qualité.

Aujourd’hui, l’école privée scolarise 20% des enfants, et ceux issus des milieux favorisés y sont le double qu’à l’école publique. Depuis 1959, elle est financée par l’argent public, aujourd’hui à hauteur de 12 milliards d’euros par an, des sommes qui pourraient permettre d’améliorer l’état de l’école publique. Après les cadeaux de la loi Carle, la loi Blanquer représente 100 millions supplémentaires pour les écoles privées ! Ecoles de riches d’un côté, écoles de pauvres de l’autre. Ce séparatisme violent doit cesser. Que faire ? Investissons dans l’école publique. Redonnons confiance aux familles pour qu’elles y reviennent. Aidons nos professeurs, ces héros si mal payés. Mettons un terme aux dérogations de complaisance à la carte scolaire, qu’il faudra d’ailleurs redéfinir pour plus de justice. Le chantier est immense mais aucune première pierre n’est posée par ce projet de loi.

Vous dénoncez le contrat d’engagement républicain, en affirmant que la seule chose qu’on peut demander aux mouvements associatifs est de respecter la loi. Mais la République n’est-elle pas légitime à attendre des associations qu’elle subventionne avec de l’argent public davantage que le simple respect des lois ?

Je ne conteste pas le contrôle des pouvoirs publics sur les associations qu’ils subventionnent, mais j’observe que c’est déjà le cas ! Tout élu local sait qu’on accorde une aide sur la base d’un projet, d’une utilité reconnue. Alors pourquoi ce « contrat d’engagement républicain » sinon pour jeter l’opprobre et la suspicion envers l’ensemble de nos associations, au prétexte de cas marginaux que la loi peut déjà appréhender ? La ministre des cohésions des territoires, Jacqueline Gourault, se serait-elle trompée lorsqu’elle affirmait lors de nos auditions : « On sait que dans la plupart des cas, il n’y a rien à redire sur les associations qui reçoivent des subventions » ? Construit sur un fantasme, ce contrat s’inscrit dans une logique floue, caporaliste, et potentiellement liberticide. Sa première version enfonce des portes ouvertes, rappelant qu’une association ne doit pas causer de trouble à l’ordre public – principe déjà énoncé depuis 120 ans par l’article 3 de la loi du 1er juillet 1901. Pourquoi avoir recours à des notions aussi étranges que le« prosélytisme abusif » qui sera interdit ? Qui jugera du caractère abusif ? Selon quels critères ? Moi je souhaite qu’aucune association subventionnée ne fasse de prosélytisme religieux en direction de ses adhérents. Ce contrat est un mélange d’affichage et de fichage, l’expression d’une vision paternaliste basée sur la suspicion.

Ce texte traite certes de laïcité, mais il est également conçu comme une réponse directe au développement de l’islamisme. Dans son discours lundi à l’Assemblée, Jean-Luc Mélenchon a estimé que par rapport au Covid, au réchauffement climatique, à la pauvreté, des sujets comme la polygamie ou le développement du voile étaient dérisoires. Quelle est pour vous l’ampleur de la menace islamiste ?

Les derniers attentats nous rappellent que la lutte contre le terrorisme djihadiste ne doit jamais être relâchée. Mais ce projet donne-t-il les munitions pour empêcher que d’autres sévissent de nouveau ? Le Premier ministre lui-même a reconnu, lors d’un entretien au Monde le 9 décembre, qu’il était « difficile de répondre positivement » au fait d’établir si ce texte aurait permis ou non de déjouer les trois derniers attentats commis sur notre sol. Contre le risque terroriste, la réponse est avant tout un travail de renseignement humain, d’identification, d’infiltration et d’information. Aussi, je rappelle qu’en trente ans, pas moins de 28 lois ont été adoptées pour renforcer notre arsenal, sans que les moyens ne suivent à la même vitesse. Lorsque Samuel Paty a été assassiné, la plateforme de traitement de la haine en ligne, Pharos, ne comptait que 30 fonctionnaires et le groupe de contact permanent, entre les autorités et les réseaux sociaux n’avait pas été réuni depuis plus d’un an.… Le texte n’aborde pas cette dimension.

Il pointe les 2.400 lieux de culte musulmans du pays, suspectés d’être le terreau du terrorisme, alors que ceux qui ont étudié les trajectoires des assassins nous disent que les mosquées ne constituent pas, sauf exception, les foyers où les attentats ont été conçus. La radicalisation est extérieure aux lieux de cultes, souvent liée à des rencontres du quotidien ou sur Internet.

Pour être efficace, il ne faut pas tout mélanger. Partout où la promesse d’émancipation républicaine s’essouffle, on observe un regain de rigorisme religieux, minoritaire mais gangrénant tous les cultes,  pas seulement les musulmans. Quand la République s’éloigne, devient abstraite et verbeuse, une fraction de la population s’y reconnaît de moins en moins et s’interroge. Certains trouvent malheureusement une réponse identitaire dans le fondamentalisme religieux.  S’il conduit à des dérives sectaires, la loi qui existe déjà et protège les victimes de ces emprises doit être appliquée sans faiblesse. Mais les experts, y compris d’anciens agents du renseignement, nous disent que le terrorisme et l’intégrisme religieux n’empruntent pas les mêmes chemins idéologiques. Si une telle concordance existait, pourquoi Marseille, identifiée par les services du ministère de l’intérieur comme le principal foyer salafiste dans notre pays, a été largement épargnée par le djihadisme ? Les réponses aux deux phénomènes ne peuvent être identiques, sauf à faire preuve d’une naïveté confondante et d’une inefficacité totale. Les terroristes qui s’organisent et qui attaquent, on les traque, on les neutraliste, on les condamne. Mais les intégristes ne se combattent pas par des méthodes de police. Ils se combattent par la force des idées et des politiques qui rendent concrète la République. Faisons aimer la chose, l’amour du mot viendra avec. Aussi, celui qui casse le service public aura bien du mal à convaincre ensuite quelqu’un de la grandeur de la République

Attention, je ne prétends pas que les inégalités sociales constituent à elles seules le terreau de l’islamisme politique. Mais négliger ce facteur est irresponsable. Les intégristes religieux et les ultra-libéraux dansent ensemble un tango morbide pour notre pays. On n’a jamais autant parlé de République et de laïcité, et jamais fait aussi peu pour les défendre. Pour faire reculer l’islamisme politique, renforçons les services publics, embauchons des professeurs, des policiers, aidons l’hôpital public. La République n’est pas un régime neutre devant lequel on fait des génuflexions, avant de retourner tranquillement creuser les inégalités.

Quand on parle d’islamisme et que vous brandissez le Concordat ou le séparatisme des riches, comprenez-vous que cela puisse ressembler à une diversion pour ne pas aborder un sujet qui vous embarrasse ?

C’est toute la stratégie gouvernementale qui est fondée sur la diversion. Le ministre de l’Intérieur n’a-t-il pas évoqué de prétendus « rayons communautaires » comme « commencement du communautarisme » ? N’est-ce pas là un bel exemple de diversion permettant d’éviter les sujets de fond, tout comme nous affubler du titre « d’islamogauchiste » pour abréger toute discussion ? Loin de fuir le débat, j’ai participé avec attention aux travaux de la commission spéciale. Pour mener un débat rationnel basé sur des faits et des études partagées, j’ai demandé à maintes reprises des données objectives sur la polygamie, les certificats de virginité, les « putschs » dans certains lieux de cultes, autant de pratiques intolérables qu’il importe de quantifier. Pour seule réponse, ce fut le silence ou l’imprécision. Les promoteurs ministériels de ce texte préfèrent agiter le chiffon rouge sur des sujets dont ils ne connaissent pas la portée plutôt que de prendre à bras-le-corps d’autres faits graves passés sous silence. Lorsque j’ai pointé le problème de nos 100.000 jeunes sortant de l’école sans qualification, je n’ai eu le droit qu’à un haussement d’épaules en guise de réponse. Quand nous leur proposons une nouvelle République qui donnerait des droits nouveaux aux citoyens, ils nous moquent. Ceux qui nous accusent d’être embarrassés comme vous dites, sont souvent les mêmes qui ont affaibli nos services de renseignements, la justice, la police, etc. Parler du foulard de femmes musulmanes, en sous entendant qu’elles auraient une complaisance pour le crime terroriste, leur permet de faire diversion sur leurs méfaits.

Jean-Luc Mélenchon a vigoureusement défendu les musulmans lundi à l’Assemblée. Le fait qu’une religion, l’islam, soit minoritaire, et que ses fidèles soient parfois victimes de discriminations, implique-t-il que la France insoumise soit là pour « compenser » les attaques contre l’islam ou les musulmans, en prenant leur défense ?

Brandir le drapeau de l’humanisme à cette occasion est-il un problème ? A qui nuit-il que des concitoyens qui sont assimilés à des terroristes par certains bancs de l’hémicycle entendent que d’autres les y défendent ? La République est prise entre deux feux : celui d’une droite extrême, raciste, et celui d’une fraction d’intégristes qui pense que c’est uniquement dans l’enfermement religieux et une pratique rigoriste que réside le salut. Convenez que les premiers sont bien plus puissants politiquement et électoralement que les seconds ! Je ne conteste pas que l’islamisme politique existe, mais je conteste les effets de loupe. Et c’est un élu et un habitant de la Seine Saint-Denis qui le dit. Le sensationnalisme contre les habitants de ce département, cela suffit !

Dans les quartiers populaires, c’est n’est pas une volonté de séparation qui monte, mais une exigence de réparation. Une volonté de vivre, égaux en droits, avec tous les citoyens du pays. Les gens sont lassés, fatigués, en colère contre la ségrégation sociale et la dégradation des services publics. Je ne suis pas dans le déni, je suis lucide. Si les dirigeants de la droite, du RN et du macronisme, indifférents à la question sociale, défendant le choquant « séparatisme des riches » qui se creuse, n’ont pour seul projet que de s’en prendre aux pratiques confessionnelles de quelques milliers de gens, ce sont eux les idiots utiles du fanatisme religieux.  Pour ma part, je continue à me battre, avec mes amis, pour construire une République démocratique, laïque et sociale. C’est l’exigence ultra majoritaire qui progresse dans le pays. Le texte actuellement débattu à l’assemble n’apporte strictement rien à cette tâche, sur certains points, il la complique.