Retrouvez ma tribune dans Le Journal Du Dimanche
Alexis Corbière, député France insoumise de la Seine-Saint-Denis et enseignant de profession, dénonce la « ségrégation » apparue au sein de l’école publique, qui « fait le lit du repli identitaire et religieux ».
« ‘L’école […] est attaquée et notre capacité à intégrer est remise en cause’. Qui parle ainsi? Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans les premières pages de son court ouvrage, Le Séparatisme islamiste (Éditions de l’Observatoire). Un tel constat mérite que l’on s’y arrête. Mais la plus brutale attaque que subit notre école est-elle celle de ce séparatisme islamiste aux contours bien difficile à définir? Si notre école va de plus en plus mal, à qui la faute? Cent trente-neuf ans après les grandes lois Jules Ferry, force est de constater que nos écoles sont désormais la caisse de résonance des terribles inégalités sociales et urbaines, peinent à les corriger ou les reproduisent. Le financement public des écoles privées, depuis 1959 et la loi Debré, n’y est pas pour rien.
Ce financement public du privé, essentiellement confessionnel, coûte 12 milliards d’euros par an au contribuable. C’est 20% du total des recettes de l’impôt sur le revenu. Et tout cet argent dépensé renforce le creusement des inégalités, les établissements privés accueillant deux fois plus d’élèves d’origine sociale favorisée que ceux du public. Ce phénomène est en constante aggravation : chaque année, la part d’élèves issus de milieux défavorisés augmente dans le public et recule dans le privé. À Paris par exemple, un quart des élèves scolarisés dans les collèges publics sont issus de familles défavorisées. C’est six fois plus que dans les collèges privés.
La motivation hors du commun des enseignants ne suffit plus
En plus de cette concurrence entre public et privé, une autre ségrégation est apparue, cette fois au sein même de l’école publique. En effet, selon le quartier où ils se situent, les établissements n’accueilleront ni la même population, ni les mêmes équipes pédagogiques. Ici les meilleurs élèves, issus de milieux bourgeois, encadrés par des enseignants en fin de carrière et installés dans des locaux bien entretenus. On y recense 30% à 50% de mentions bien et très bien aux examens de fin de cycle. Là les élèves en difficulté, avec de jeunes profs et des équipes peu expérimentées, placés dans des bâtiments dégradés. On y atteint péniblement 13% de mentions bien et très bien. Les dérogations à la carte scolaire, devenues légion dans certaines communes, empêchent toute correction, même mineure, de ce séparatisme qui ne dit pas son nom.
Nos enseignants travaillent sans réserve pour corriger ces inégalités criantes. Mais leur motivation hors du commun ne suffit plus.
La progression des écoles privées et l’instruction en famille puisent leur source dans ce délabrement organisé de l’école publique
Il faut mettre un terme à la dimension systémique de ces inégalités qui séparent de plus en plus nos concitoyens selon leur origine sociale et leur lieu d’habitation. C’est ce que je nomme par provocation le « séparatisme scolaire ». À quoi bon légiférer sur des choses anecdotiques quand on laisse chaque année plus de 100.000 de nos enfants, surtout ceux des milieux populaires, finir leur parcours scolaire sans diplôme? Pourquoi accepter que la classe sociale d’origine détermine les conditions d’apprentissage futures? Cet aveuglement fait le lit du repli identitaire et religieux. La progression des écoles privées et l’instruction en famille puisent leur source dans ce délabrement organisé de l’école publique.
Il ne s’agit pas ici de faire des reproches aux familles qui font le choix de l’école privée, ou d’autres modes d’instruction, pour leurs enfants. Les parents ne sont donc pas à blâmer : beaucoup veulent simplement le meilleur pour ceux qu’ils aiment. Le système et les politiques qui provoquent cela ont tant abîmé l’école publique dans les villes populaires. Parce qu’il ne dit pas un mot de tout cela, le texte du gouvernement est essentiellement posture et diversion.
Retrouvez ci-dessous un extrait de mon discours sur le séparatisme scolaire :
Retrouvez ci-dessous mon discours en intégralité, dans lequel j’ai exposé la position du groupe parlementaire La France insoumise sur le projet de loi principes républicains.