Quarante-neuf trois ou la brutalité d’un pouvoir faible

« J’appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c’est à cela qu’il ressemble le plus, parce que c’est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu’inéluctablement, il tend, parce qu’il ne dépend plus de lui de changer de cap. Je veux bien que cette dictature s’instaure en dépit de De Gaulle. Je veux bien, par complaisance, appeler ce dictateur d’un nom plus aimable : consul, podestat, roi sans couronne, sans chrême et sans ancêtres. »

François Mitterrand, le Coup d’état permanent, 1965

 La décision du Premier Ministre Manuel Valls d’utiliser le 49-3 pour imposer le projet de loi El Khomri, contre l’avis de la majorité des députés, est une nouvelle manifestation éclatante de la décomposition de la Ve République et de son caractère autoritaire.

Elle bafoue le principe même de souveraineté du peuple pourtant au cœur même de la conception républicaine de notre Nation. J’exagère ? Jugez-en. Voilà une loi qui nous concerne tous, c’est à dire des millions de salariés. Cette loi va bouleverser radicalement notre droit du travail forgé par des décennies de luttes sociales et de victoires électorales. La majorité de la population n’en veut pas, selon toutes les études d’opinion réalisées à ce jour. Cette loi va également ouvrir la possibilité de baisser les salaires en diminuant la rémunération des heures supplémentaires et elle va également faciliter les conditions pour licencier un salarié. Cette loi n’a jamais été présentée et annoncée lors d’une campagne électorale, c’est même l’inverse. C’est en s’opposant aux attaques contre le code du travail menées par Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 que François Hollande s’est fait élire. Cette loi voit se dresser contre elle la majorité des organisations syndicales. Qu’importe, ce pouvoir les méprise. Fait inédit, une pétition demandant son retrait a obtenu plus d’un million et demi de signataires en quelques jours. Qu’importe, ce pouvoir l’ignore. Des dizaines de manifestations ont eu lieu à travers la France pour obtenir son retrait. Qu’importe, ce pouvoir les insulte. Et cette loi n’a même pas une majorité de députés pour la soutenir. Qu’importe, en accord avec le Président de la République, le Premier Ministre va l’imposer au pays en utilisant cet article 49-3, qui n’est que la face brutale d’un pouvoir faible. Il y a quelques années, un premier secrétaire du PS nommé François Hollande qualifié cet article de « brutalité et déni de démocratie ». Comment est-ce possible, si ce n’est à cause d’une Constitution scandaleuse et autoritaire de la Ve République, héritée d’un moment trouble de notre histoire où l’armée française menacée de se tourner contre le pouvoir politique, et qu’il est temps de mettre à bas.

Pour l’heure, une chose s’impose. Empêcher la loi dite « El Khomri » d’entrer en application. Aussi, j’invite toutes les députées et tous les députés à utiliser tous les moyens légaux pour empêcher l’utilisation du 49-3. Tous, sans exception. La situation l’exige. Le peuple, opposé à cette loi, le réclame. Je dis les choses clairement pour chacun des parlementaires : Face à la brutalité de ce pouvoir, il faut voter la censure.

Quand l’homme violent s’apprête à frapper l’innocent, il faut savoir stopper son bras immédiatement, quel que soit le moyen. C’est une question de principe. Après, il est trop tard.