Y’aura-t-il un chapeau à la taille du maire à la Féria de Béziers ? Réponses à Robert Ménard

Sa majesté Robert Ménard 1er, maire de Béziers, suite aux reproches que j’ai exprimés après les différentes provocations machistes et anti-laïques contenues dans le journal municipal biterrois du mois d’août, s’est abaissé à me répondre aujourd’hui dans une interview sur le site Boulevard Voltaire. Je suis extrêmement flatté de l’honneur qui m’est fait, à moi simple mortel, par une personnalité d’une telle dimension.

Toutefois, malgré la grande qualité intellectuelle des arguments qu’il utilise contre mes opinons, je me permets de lui adresser une réponse sur quelques points. J’espère d’avance que Sa Grandeur ne sera pas trop agacée de mon impertinence.

 

1)   Robert Ménard pense me disqualifier immédiatement en disant à mon sujet : « Alexis Corbière est originaire de Béziers et vit à Paris. Dans les deux cas, il n’est guère connu que de ses voisins de palier et des gens avec qui il milite. » Désolé mais c’est un peu facile comme introduction. Oui, je suis né à Béziers, j’y ai grandi et j’y ai encore toute ma famille. Une bonne partie d’entre elle est très impliquée dans la vie locale et politique. Ménard est bien placé pour la savoir. Et puis, cette ville ne me laisse pas indifférent. Le fait que je sois enseignant en région parisienne depuis 20 ans n’y change rien. Mais, je m’étonne au passage qu’il ne m’ait pas plutôt traité de « couillong de parisieng » durant cet entretien. C’est en général le genre de démagogie qui fonctionne toujours auprès des nigauds.

Je ne vois pas en quoi la notoriété, où le lieu d’habitation, des gens qui lui font des reproches devrait entrer en ligne de compte pour juger de leur qualité ou non. C’est un tantinet arrogant et méprisant pour tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, de Béziers ou d’ailleurs. Les seules critiques légitimes et acceptables à ses oreilles sont celles de gens dits « célèbres » ? Les autres ont obligation de la fermer ? Drôle de conception du débat symptomatique d’un homme qui a manifestement pris la grosse tête (à Béziers on dit « le melon »). Ce ne sera pas facile de trouver un chapeau de paille à sa taille durant la Féria. Et puis si mes reproches et ma modeste personne sont tellement insignifiants pourquoi un homme aussi important que lui perd-il du temps à me répondre ? Il y a là comme une légère contradiction.

2)   A mon sujet toujours, manifestement obnubilé par ces questions de notoriété, il dit : « il essaye comme il peut de prendre un peu de lumière médiatique à travers moi. » Modeste, le type je vous dis. Voilà un homme qui aime bien se regarder dans un miroir. « Rechercher la « lumière médiatique » est pourtant davantage sa propre pathologie que celle des autres. Oserai-je rappeler au grand Ménard que sans sa notoriété télévisuelle antérieure à son élection, due à son ex-métier de journaliste et homme de médias, il n’aurait probablement jamais été élu. En effet, la principale valeur ajoutée sur les électeurs biterrois de Ménard candidat aux municipales de 2012 fut l’aspect « vu à la télé ». Cela lui a permis facilement d’être le candidat soutenu par le FN qui déjà sans lui, et depuis longtemps hélas, obtenait plus de 35 % des voix. La crise de la droite locale et la politique du gouvernement PS ont fait le reste. Le grand stratège Ménard est donc avant tout un opportuniste, qui après avoir travaillé en 2007 sans vergogne pour la monarchie réactionnaire du Qatar, est venu monter sur les épaules du FN local pour se faire élire.

Cet argument visant à disqualifier ceux qui l’attaquent comme recherchant de la lumière médiatique à travers lui est donc particulièrement inepte et peut être appliqué à l’infini. Quiconque attaque Hollande recherche de la lumière médiatique, quiconque attaque Sarkozy idem, et ainsi de suite…

Excusez du peu, je critique simplement Ménard parce que je ne suis pas d’accord avec lui. Est-ce encore possible où le nouveau slogan de la mairie est-il devenu : « le Béziers de Ménard, tu l’aimes ou tu le quittes » ? Pour ma part, ce n’est ni l’un, ni l’autre.

3)   Autre argument absurde de Ménard est la référence au « règne » de Robespierre puis à mes livres et actions à ce sujet. Je le laisse à son ignorance historique. Ecrire de telles bêtises quand on prétend défendre l’enseignement de l’Histoire de France est affligeant. Il m’invite même à aller « consulter » (sans doute un psychiatre ou un médecin). C’est le genre typique d’argument des pays totalitaires où les opposants ont toujours un problème psychologique. Avec Ménard, si on n’est pas d’accord avec lui c’est qu’on est fou (ou « jobastre » comme l’on dit ici). Qu’importe. Je serais donc, parce que Républicain social et jacobin, refusant que l’on caricature la Révolution et la Comité de salut public, un violent congénital qui n’a pas de leçon de féminisme à lui donner ? Cocasse.

Un mot donc sur la violence dans l’Histoire. Depuis 2014, avec les moyens de la mairie de Béziers, Ménard fait la promotion permanente de l’OAS, organisation violente, criminelle et terroriste ayant exécuté au moins 2200 personnes et fait plus de 5000 blessés il y a une cinquantaine d’années. Nul n’est prisonnier des actes et idées de ses parents, mais c’est par fidélité assumée à son père, petit militant de l’OAS d’Oran au début des années 60 (l’une des plus bestialement sanguinaire) qu’il multiplie les initiatives donnant la désagréable impression que la guerre d’Algérie n’est toujours pas finie dans sa ville. Pourtant, les rapatriés ou « pieds-noirs », essentiellement composés de gens modestes ayant des liens très forts avec la terre d’Algérie depuis plus d’un siècle, et qui ont souffert dans leur chair des évolutions tragiques de l’Histoire savent bien que ce sont les petites frappes de l’OAS, assassinant de façon aveugle des femmes et des hommes même après les accords d’Evian, qui ont été un élément accélérateur de l’issue tragique et irrémédiable du conflit dont la dimension coloniale ne peut être estompée. Le violent, c’est donc lui.

Enfin concernant la dimension féministe de notre controverse, j’assume totalement que les clichés et plaisanteries graveleuses du journal municipal de Ménard sont pétris de clichés machistes et vulgaires. Autre exemple. Depuis son élection, Ménard organise des débats publics en invitant des personnalités (toujours d’extrême droite ou de droite dure comme Eric Zemmour, Philippe de Villiers, Renaud Camus…) et jamais une seule femme n’a été invitée ! Sans doute notre maire n’en trouve aucune suffisamment intelligente pour venir s’exprimer devant ses ouailles. S’est-il seulement aperçu de cette exclusivité virile ?

4) Pour finir Ménard utilise l’astuce classique du notable quand on le critique : moi je m’occupe des choses sérieuses, les logements, les trottoirs et le traitement des déchets… Certes, mais encore heureux. C’est pour cela qu’il est indemnisé tous les mois. Est-ce une raison, là encore, pour taire nos désaccords avec lui ? J’observe donc que sa suffisance est un faux rebelle, se comportant en réalité comme tous les petits barons de province, qu’il faudrait remercier chaque jour pour leurs actes, pourtant réalisés avec de l’argent public.

Dernier point amusant à mes yeux : le site sur lequel est mis en ligne cette interview. Il s’agit de Boulevard Voltaire créé, financé et longtemps dirigé par Ménard lui-même. On n’est jamais mieux servi que par soi-même n’est-ce pas ? Voilà comment notre ex défenseur de la liberté d’expression aime la presse : celle, aux ordres, que l’on dirige soi-même ou ses proches. Dans ces conditions, il n’y a jamais de questions gênantes et le caractère anti-laïque de son action de maire, que je critique vivement dans une tribune publiée dans Marianne, n’est même pas abordé dans cet entretien. Pratique.