Cette année à Béziers la Feria 2015 commencera « évidemment par une messe dans les arènes. Ce sera un office plus majestueux que l’an dernier avec un autel et une croix digne de ce nom ». Qui s’exprime ainsi ? L’archiprêtre de la Cathédrale de Béziers ? Absolument pas. Le prêtre en charge de la petite chapelle des Arènes ? Non plus. Ces propos sont directement de M. Robert Ménard le maire apparenté FN de Béziers.
Pour la deuxième année, de façon tapageuse, Ménard est à l’initiative de l’organisation et de la promotion d’une grande messe publique dans les Arènes de la ville. Nulle tradition là-dedans, puisqu’avant l’arrivée de Robert Ménard à la mairie, dans le programme de cette Féria datant de 1973 cet événement n’existait pas. Nulle volonté des autorités religieuses biterroises non plus, puisqu’elles apprécièrent peu en 2014 cette initiative. Homme de dialogue et de fraternité, Le père Luc Jourdan, archiprêtre de la cathédrale Saint-Nazaire, vicaire épiscopal de Béziers, avait tenu à réagir aux paroles de Robert Ménard qui s’était félicité bruyamment dans la presse d’avoir « démocratisé la messe ». « Je lis ce matin avec stupeur ces propos » avait dit l’homme de foi. « La Sainte Messe étant l’expression publique du cœur du mystère chrétien, ce n’est ni le nombre de participants, ni le lieu de la messe qui en fait le “succès” d’un point de vue religieux. (…). Je ne pense pas que les citoyens de Béziers, catholiques compris, attendent de leur nouveau maire “une démocratisation de la messe. »
Mais qu’importe, le maire de Béziers cette année encore finance avec de l’argent public une campagne d’affichage omniprésente dans toute la ville pour inviter le plus largement à la version 2015 de cette messe, qu’il faudrait qualifier de « municipale » en quelque sorte.
Et la laïcité dans tout cela ? Elle est bien sûr totalement méprisée et il est d’ailleurs sidérant que l’Etat, via le sous-préfet ne rappelle pas fermement les règles élémentaires de la loi de 1905 au premier magistrat de la ville. L’Etat, sur ce dossier comme sur d’autres, semble totalement aux abonnés absents. En décembre dernier, la mairie a installé une crèche dans son hall d’entrée. Nombres d’habitants attachés à la laïcité s’en sont légitiment émus. Mais, le Tribunal Administratif de Montpellier a hélas validé, le 16 juillet dernier, le fait qu’il s’agissait finalement « d’une crèche de la Nativité répondant à tous les critères de l’Evangile selon Luc mais que cette crèche entrait dans le cadre d’animations culturelles ». Formulation pour le moins étonnante et dangereuse ouvrant la porte à d’autres piétinements de la laïcité pour d’autres confessions.
Depuis ces décisions de justice contestables, pour l’instant étonnement en sa faveur, M. Ménard et ses amis du FN se jugent intouchables. Arborant même un crucifix sur la une du journal municipal du mois d’août, ils se fichent totalement de contrevenir aux principes laïques de la République, même si cyniquement ils prétendaient durant leur campagne électorale, avec des trémolos dans la voix, qu’il fallait les « réaffirmer ». Le même journal, fier de n’être jamais sanctionné par la justice, illustre aussi une de ces doubles pages par un homme torse nu en bretelles donnant une fessée à une femme en bikini, incarnant les associations laïques, qui semble prendre plaisir à la punition virile. Les fantasmes de M. Ménard sont décidément bien étranges où le sado maso se mélange à la bondieuserie la plus conservatrice.
En réalité, la fausse laïcité ménardienne n’est qu’un attrape gogo à géométrie variable, dans le seul but d’humilier les biterrois de confession musulmane, réelle ou supposée, dont les nouveaux élus FN comptent même les enfants nom par nom dans les écoles publiques de la ville. Courageux mais pas téméraires, les mêmes élus affirment à la justice par la suite que ce comptage n’existe pas… tout en affirmant l’inverse par la suite dans la presse municipale. Comprenne qui pourra. Nul ne sait d’ailleurs à quoi serviraient les statistiques hasardeuses et malsaines qu’ils obtiennent ainsi, si ce n’est à faire croire aux nigauds que la présence significative de biterrois au nom de famille à consonance originaire du Maghreb aurait un lien de causalité avec la pauvreté et le chômage de masse qui frappent la région depuis quelques décennies.
Osez le critiquer sur ses obsessions maladives et Ménard vous répondra avec son arrogance si caractéristique, en jouant la victime : « Pour les médias aujourd’hui, il est interdit de se montrer attaché aux racines chrétiennes de la France ». Mais tout esprit un minimum éclairé et honnête intellectuellement comprendra que ce n’est vraiment pas le sujet ici. En République française, au 21ème siècle, n’importe quel citoyen de confession catholique ou chrétienne peut pratiquer sa religion en toute tranquillité dans les lieux de culte dédiés à cet effet. Mais concernant un élu, les choses sont un peu différentes. Quelles que soient ses opinions spirituelles privées, tout à fait respectables au demeurant, ce n’est pas à lui d’appeler publiquement ses concitoyens à se rendre à une cérémonie religieuse, de surcroit par des affiches financées par la commune. Ne pas respecter cette règle revient à ne rien comprendre à la laïcité.
C’est pourquoi chacun doit admettre que si demain des petits ménards et leurs alliés de circonstances dirigeaient la France, cela signerait l’arrêt de mort de notre République laïque. A Béziers comme ailleurs, derrière la restauration de traditions bricolées, c’est un véritable programme de guerre civile qui nous est proposé dans lequel l’exaltation d’une religion, parce que soi-disant majoritaire, doit servir d’étendard à une « reconquête » politique où « l’arabe » fantasmé, même s’il est français depuis plus de 3 générations, est la cible de toutes les haines.
Dans les moments difficiles que traverse notre pays nous devons tous garder la tête froide, mettre à distance les fanatiques religieux de tous bords et défendre les valeurs de la République. Ceux qui ne comprendraient pas l’enjeu doivent entendre ceci : aux prétendues coutumes religieuses doivent s’opposer les codes et principes républicains et laïques. Ceux de 1789 qui ont fait la France d’aujourd’hui proclamaient que « l’histoire n’est pas notre code ». A cela, les obscurantistes et fanatiques de tous poils répondent en chœur depuis deux siècles « Détrompez-vous, notre histoire est plus forte que votre code ». Cette controverse philosophique reste l’objet d’une tension permanente.
A chacun de choisir désormais dans quel type de pays il veut vivre. Plus que jamais, je fais le choix de la République laïque et je m’indigne, à Béziers comme ailleurs, que le maire d’une commune organise des messes publiques ou quelconque cérémonie religieuse. Rallumer des tensions religieuses annonce des jours bien sombres.