La catastrophe est là. Angoissante. Révoltante… Les causes sont profondes, les effets seront durables… Demain, ce seront des centaines d’élus supplémentaires pour porter des idées d’extrême droite qui siègeront dans les Conseils Régionaux, ils auront plus de moyens financiers, plus de visibilité, etc… Ce qui vient d’avoir lieu n’a rien à voir avec un nouveau « 21 avril » après lequel le FN n’avait obtenu aucun moyen matériel supplémentaire, ou si peu.
Désormais, c’est un bouleversement de la scène politique qui vient d’avoir lieu. Le volcan a explosé et la lave coule sur la face d’extrême droite du cratère. Bien sûr, les principaux responsables sont au gouvernement ou autour de Nicolas Sarkozy, mais je considère que ce n’est pas dans la dénonciation sans fin et sans projet alternatif de tous les coupables que nous fabriquerons à nouveau de l’espoir et du goût du futur.
Notre grand pays entre dans une période de terribles turbulences. Un parti ayant pour projet une forme de guerre civile larvée entre les uns et les autres, ou plus précisément contre nos compatriotes d’origines, de cultures ou de croyances arabes ou musulmanes, progressent élections après élections. La cible du FN se concentre là. Son projet, reprenant à son compte une vision quasi coloniale de l’organisation sociale, avec des citoyens considérés publiquement de « 2e rang », est boosté par les crimes horribles d’une poignée de tueurs fanatiques islamistes. Désormais, la lutte est engagée entre le projet de Nation civique que je veux porter avec mes amis, et celui de Nation ethnique qu’ils portent. La bataille est à l’avenir essentiellement d’ordre idéologique et culturelle. C’est le cœur battant de tout… Beaucoup de nos mots sont devenus suspects. Nous faire bien comprendre est désormais un des enjeux de la prochaine période. Le quiproquo avec les nôtres peut être mortel. La tâche est complexe, mais cela ne doit pas nous tétaniser.
Il sera temps de parler la semaine prochaine des questions stratégiques d’hier et des choix qu’ils ont imposés. Mais rien de grand ne se forgera dans la rancœur et la nostalgie. Je veux concentrer ces quelques lignes pour souligner que ce drame politique se déroule d’abord dans un contexte de grande abstention. La moitié de nos compatriotes ne sont pas venus voter. Cette abstention structurelle ne peut rester dans l’angle mort d’une analyse politique qui se voudrait sérieuse. Cette « grève civique » ne cesse de s’élargir années après années… A la différence de l’autre grève, celle-ci ne bloque pas la machine. Au contraire, elle lui permet de tourner encore plus vite, excluant encore plus… Je rappelle, sans que cela ne minimise le danger, que le FN ne représente que 13% des électeurs inscrits. Finalement, il est surtout fort de nos faiblesses. L’avenir sera à ceux qui sauront parler au plus grand nombre, les faire vibrer, leur redonner goût à l’action civique, leur donner l’envie d’une 6e République écologique, laïque et sociale. La dimension esthétique de la politique, de son verbe, de ses symboles, va être déterminante. Seul le projet de gagner de nouveaux droits dans la cité (prise en compte du vote blanc, seuil de représentativité…) et l’entreprise (rompant avec la subordination totale du salarié envers son employeur…), de nouveaux moyens de contrôles sur ses représentants (droit de révocation…), de nouveaux outils pour protéger la planète (règle verte…) , bref la possibilité de retrouver sa souveraineté réelle, pourra être mobilisateur selon moi. Tout cela n’aura de sens qu’en apportant dans le même mouvement des réponses à la question sociale : salaire, emploi, éducation, santé… Une souveraineté vivante permettra de mettre en œuvre un autre partage des richesses. L’oligarchie qui se goinfre, cela suffit !
Beaucoup de choses doivent donc changer. Radicalement. Des ressources existent dans notre peuple, des disponibilités sont là. Permettons-leur de s’épanouir.