Primary trap… ou pourquoi Trump a gagné ?

Sortons des commentaires convenus sur la défaire de Hillary Clinton et la victoire de Donald Trump. Dans la mesure où ce pays occupe une place centrale dans l’évolution du capitalisme mondial et dispose d’une influence inédite dans l’évolution politique de la planète, il est utile de comprendre les caractéristiques de ce vote, et peut être d’en tirer quelques leçons.

  • L’abstention est en hausse(46 %), moins que la moyenne de participation depuis les années 60. Manifestement, selon les premières études, hier, ce sont surtout les milieux populaires et la jeunesse qui se sont abstenus. A cette abstention, il faut ajouter des millions de non-inscrits et plus de 6 millions de citoyens qui ont perdus leurs droits civiques en raison de condamnations par la justice qui frappe surtout des jeunes noirs américains de milieux populaires. Sans compter des millions de citoyens non-inscrits sur les listes électorales.

  • Donald Trump est élu avec moins de voix de Hillary Clinton ! Il obtient 58,97 millions de voix et elle 59,11, soit 200 000 de plus ! Le tout sur un total de 225 millions d’électeurs inscrits. Le vainqueur, qui dirigera désormais la première puissance économique du monde, a non seulement rassemblé moins de voix que son adversaire, mais aussi seulement 26 % des électeurs inscrits. Pour le dire autrement, 74 % des électeurs n’ont pas voté Donald Trump ! Où est la démocratie ?

  • Hillary Clinton et le parti Démocrate ont perdu 10 millions de voix.C’est net si l’on compare avec 2008 où Barack Obama avait obtenu 69,45 millions de voix, contre 59, 1 en 2016 pour Clinton ! L’opposant républicain à Obama, M. John Mc Cain avait alors obtenu plus de voix de Trump (soit 59.9 millions). Idem en 2012, très critiqué, Obama obtenait encore 66 millions de voix et Mitt Romney, son opposant, 60,9 millions (soit également plus que D. Trump).

  • Hillary Clinton était la pire candidate face à Trump. Ancienne secrétaire d’Etat du président sortant, assimilée dans l’opinion aux deux mandats de Bill Clinton, elle incarnait physiquement une continuité avec une classe politique que des millions de gens veulent sanctionner. Son parti, le parti Démocrate est de plus en plus rejeté par son électorat. Il a été sèchement battu lors de l’élection au Sénat alors qu’il pensait gagner la majorité. Le problème ne vient pas seulement de la candidate, archétype donc du clan qui verrouille ce parti depuis longtemps : il existe un rejet des partis traditionnels. Par exemple, plus de 5 millions de voix se sont portées sur d’autres candidats ce qui est très élevé par ce pays.

  • Bernie Sanders et sa « révolution citoyenne » aurait sans doute gagné.Il arrivait à mobiliser les milieux populaires, les fameux « cols bleus » et la jeunesse qui voulait balayer les représentants de l’Oligarchie. Une autre issue était donc possible. Un sondage de mars dernier montrait que B. Sanders était celui qui battait alors le plus nettement D. Trump. Mais l’étouffoir populaire des Primaires, fait de triches et de coups bas, allié à un système électoral anti-démocratique, ont fait leur sale besogne. C’est le système absurde des Primaires qui a étouffé la candidature de Bernie Sanders, seule à même de mobiliser la jeunesse et les milieux populaires qui n’en peuvent plus des Clinton et des caciques du Parti Démocrate.

  •  Donald Trump n’a pas gagné véritablement un électorat populaire aux Démocrates et il n’a pas créé un enthousiasme nouveau, ni « une « vague rouge  » (comme le dit de journal de France 2) des ouvriers en sa faveur sur des thèmes xénophobes. Il a en revanche su garder mobiliser un électorat populaire Républicain, très majoritairement blanc, peu diplômé et dans de grandes difficultés, qui s’est trouvé un champion qui leur parlait de leurs difficultés quotidiennes et semblait vouloir « dégager » les responsables. En face, Hillary Clinton a fait fuir ses électeurs tellement elle incarnait un système économique dont les gens ne veulent plus et dont ils constatent les désastres. Le tout dans un océan d’abstention qui frappe surtout les milieux populaires.

 

  • Les médias ont été battus. La « trouille » qu’ils diffusaient de Donald Trump, principal et quasi unique argument du clan Clinton dans leurs meetings et leurs propagandes, n’a pas fonctionné. Ce ressort ne produit plus d’effets pour fabriquer du vote Démocrate. Pourtant, ils ont mis le paquet pour soutenir la candidate directe des milieux d’affaires. Selon Bruno Gaccio, 194 médias sur 207 ont soutenu Mme Clinton ! Le résultat fut sans doute contraire à l’objectif initial. Trump a compris l’intérêt qu’il avait à jouer « l’ogre » détesté de médias qui sont eux-mêmes détesté… par ceux qui les regardent ! C’est également une faillite pour les instituts de sondage, très liés aux différents médias. Ils traduisaient plus un souhait, qu’une réalité. Il ne faut donc jamais ne forger une stratégie uniquement en fonction de ce que prédisent les sondages.

 

  • Ce vote est un rejet du libre-échange et montre la direction du protectionnisme. Certes il s’agit d’un vote pétri de bien de contradictions, porté par un milliardaire fantasque et opportuniste, machiste et xénophobe, mais c’est un vote contre le chômage et contre les Traités de libre échange qui ont laminé l’emploi dans plusieurs Etats. A sa façon et de façon monstrueuse, c’est un rejet du capitalisme sauvage.

 

  • Mobiliser le peuple, faire reculer l’abstention demeure la clé de toute solution progressiste. Ne croyez pas que ces aberrations démocratiques sont seulement possibles aux Etats-Unis. En France aussi les Présidents élus le sont en représentant une minorité du Peuple et c’est encore plus vrai pour les parlementaires.

 

  •  C’est au peuple qu’il faut donner le pouvoir. Il reste sous représenté dans les études d’opinion, rendu invisible, ignoré, méprisé. C’est lui qu’il faut écouter. C’est de lui dont il faut porter la voix. C’est lui qui doit s’engager dans le débat civique actuel. Il est la clé de tout. Quand on l’oublie la conséquence est brutale.