Symbôle

La boussole de classe de Mme El Khomri

L’accord donné par la Ministre du travail au licenciement du délégué syndical d’Air France, M. Vincent Martinez, ne doit pas être banalisé. Avec mes amis, je demande d’ailleurs sa réintégration immédiate. Les images spectaculaires du début d’année, du DRH à la chemise arrachée ont peut-être troublé certaines personnes, mais il est important de rappeler quelques faits. Contrairement à ce qu’avait oser dire Manuel Valls, il ne s’agit pas de « voyous », terme qu’il n’utilise d’ailleurs jamais pour décrire les comportements de patrons délinquants ou pour qualifier celui d’un Patrick Balkany par exemple, mais de salariés et d’honnêtes gens, poussés à bout par un mépris patronal prononcé.

D’abord et le plus important, aucune preuve n’existe pour montrer que Vincent Martinez a participé directement à ce spectaculaire arrachage de chemise. Rien. Aucune image ne l’atteste, au contraire même. Très peu d’images d’ailleurs des nombreuses vidéos de cette célèbre bousculade ne prouvent quoi que ce soit. Prudente, la justice ne s’est pas encore prononcée sur cette affaire (elle le fera les 27 et 28 septembre) et, après examen des faits, l’Inspection du travail s’était opposée à ce licenciement. Le rapport de police reconnaît que : « La confusion est telle qu’il est impossible de distinguer des éventuels auteurs de violences ou de dégradations. » Qu’importe, Myriam El Khomri autorise ce licenciement et donne raison à la Direction d’Air France. Elle préfère sa version à celle de la police, de la justice (qui n’a encore rien dit), à celle de l’Inspection du Travail. D’instinct, elle a choisi. C’est la Direction qui a raison et les salariés en colère qui ont tort. Seule une boussole de classe peut indiquer une telle orientation. Cet acte restera donc comme une signature après le coup de force pour imposer sa loi. L’ex PDG d’Air France M. Alexandre de Juniac, si méprisant et si peu compétent, peut partir après avoir supprimé 5500 postes et vu sa rémunération augmenter de 65 %, soit un total de 1 062 000 euros par an. Il aura été récompensé pour avoir su sabrer dans la masse salariale. Tout cela est normal aux yeux de ce gouvernement. Ce qui ne l’est pas, c’est que des salariés explosent de colère quand on leur annonce un nouvel plan de 2900 suppressions de poste. Ce gouvernement a pourtant répété dans les médias jusqu’à l’ivresse que « sa priorité c’est la lutte contre le chômage ». Mais, les faits sont là. Il est inerte face aux plans de licenciements qui se multiplient. Comment reprocher aux travailleurs de chercher eux même à se défendre ? Ils ont raison. Et la colère populaire, quand elle explose, n’est pas toujours des plus distinguées. Peut-être. Mais c’est la violence des puissants qui la rend ainsi. Pour ma part je n’aime pas la violence, mais je sais que la violence d’un Conseil d’administration qui supprime 2900 postes (avec les conséquences sociales qui sont derrière) est bien pire que celle qui déchire une étoffe. Petite anecdote, le DRH maltraité ce jour-là a depuis eu une promotion. Il a été embauché par le Groupe Bolloré. Licenciement sec pour les uns, promotion pour d’autre. Qui est la victime ? Qui est le coupable ? A vous de juger. Moi j’ai choisi.

Invitez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens…

Un autre petit mot sur les symboles politiques et la laïcité. Ce dernier terme, si précieux, aura été beaucoup employé ces derniers jours par des gens qui la maltraitent à leur façon. Pour lutter contre le fanatisme religieux d’une poignée de misérables assassins, l’exaltation identitaire et religieuse n’est pas la réponse. La laïcité ne peut être à géométrie variable. Il n’y a pas la religion « de chez nous » et celle « des étrangers ». La Laïcité c’est d’abord la liberté de conscience, le droit de croire et de ne pas croire. C’est aussi la claire distinction entre la sphère publique et la sphère privée. En d’autres termes, un pouvoir politique n’a pas à inviter la population à se rendre à tel culte plutôt qu’à tel autre. Il n’a pas à privilégier telle religion plutôt qu’une autre. C’est pourtant ce que fait une nouvelle fois M. Robert Ménard, Maire apparenté FN de Béziers. Le 11 août, il organise aux Arènes une messe « municipale » appelé dans toute la ville par affiche (financée par qui ?). Sa presse municipale explique dans un mensuel distribué dans toutes les boites aux lettres de la ville « vous êtes conviés à un moment unique. A un moment hors du temps, spirituel, à l’écart de cette société du zapping culturel. Vous êtes conviés à la grande messe donnée aux arènes ». Imagine-t-on le scandale si un Maire d’une autre ville faisait la même chose pour un autre culte ? C’est le risque face à nous après la violence des attentats. La course en avant de toutes les exaltations religieuses. La prétendue réaffirmation des « racines chrétiennes » et autres portes ouvertes qui oublient juste le long chemin pour l’émancipation républicaine et laïque (qui ne signifie en rien l’athéisme qui est un autre sujet). L’exemple de Béziers est amusant. La Féria fut fondée dans les années 70 par un élu SFIO et laïque convaincu du nom de Jules Faigt. Il n’existe ici aucune tradition, ni ancienne ni récente, de messe dans les Arènes. C’est Robert Ménard « himself » qui l’a voulue sitôt élu en 2014 et montée de toutes pièces de bric et de broc, contre l’avis des autorités ecclésiastiques locales d’ailleurs qui s’étaient émues de ce mélange des genres. Gare aux guerres de religion qui s’annoncent à l’avenir si nous ne restons pas fermes sur nos principes. On ne peut donner aux uns ce que l’on refuse à d’autres. Je le dis d’autant plus tranquillement que j’ai toujours dénoncé les cérémonies organisées dans les mairies pour fêter la fin du Ramadan par exemple. N’ouvrons pas la boîte de pandore des revendications communautaristes et cultuelles. C’est sans rivages et sans principes. Si l’on convoque l’Histoire et la tradition, Béziers en sait quelque chose. Ville Cathare, elle fut détruite entièrement et sa population massacrée au XIIIème siècle, par les Croisades voulue par le Pape de l’époque Innocent III. C’est à cette occasion, que lors de l’assaut le 22 juillet 1209, les soldats auraient demandé à Arnaud Amaury, le légat du Pape : « Comment distinguer les bons fidèles des hérétiques ? ». Ce dernier aurait répondu : « Tuez-les tous ! Dieu reconnaitra les siens ». Il faut toujours se méfier des fanatiques religieux qui veulent mener des « reconquêtes spirituelles » et autres retours aux « vraies valeurs ». Même symboliques, elles restent dangereuses quand le pouvoir politique s’en mêle et les tripatouille à son profit. Et l’Histoire nous enseigne tragiquement qu’il n’est pas de religion qui ne soit proscrite de cette tare. Vigilance donc, et laïcité pour tous. Le 15 août, hélas, je sais que ce n’est pas qu’à Béziers que des élus opportunistes et clientélistes iront s’afficher dans des cérémonies religieuses à des fins purement électoralistes (Nice, Lyon, etc.…).

Sur ces mots, bonne fin de mois d’août à tous et retrouvons-nous le 28 août à Toulouse, pour le Pique-nique des Insoumis. Venez nombreux.