Il faut toujours faire attention aux mots. En politique, ils sont des armes de combat. Et ils sont toujours révélateurs des imaginaires et des références intellectuelles de celui qui les portent. Généralement, ils brûlent aussi ceux qui les utilisent à tort et à travers pour masquer leurs propres turpitudes. Depuis hier, en réaction aux grèves des salariés des raffineries de pétrole, la surenchère verbale à laquelle se livre le gouvernement est affligeante. Elle laissera des traces. Rarement un pouvoir politique, se prévalant de surcroît d’un parti dit « socialiste » aura à ce point insulté et méprisé des organisations syndicales de salariés. C’est inédit. On notera au passage que le ton est beaucoup plus doux, et c’est un euphémisme, quand il s’agit de qualifier le Medef et ses outrances.
Petit florilège : hier, le Premier Ministre Manuel Valls a dit de la CGT qu’elle était désormais engagée « dans une stratégie portée par une minorité », « dans une impasse » et qu’elle proposait « un blocage » et « un chantage ». Et il ajouté, en se voulant très ferme : « ça suffit !». Myriam El Khomri, ministre du travail, a jugé malin de dire que la CGT prenait le pays « en otage ». Rien que cela. Selon Michel Sapin, le Ministre des finances, les actions de la CGT « sont illégitimes ». Pitoyable, Emmanuel Macron, Ministre de l’économie, déclare qu’il ne faut « en aucun cas vouloir bloquer l’économie, pour penser avoir plus de capacité à se faire entendre ». Bruno Le Roux, président du groupe des députés PS à l’Assemblée nationale en rajoute : « les français en ont marre de la CGT ». Et pour Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS : « Il n’appartient pas à une centrale syndicale de faire la loi ». N’en jetez plus, la coupe est pleine. Les éléments de langage ont été bien compris. La charge est lancée.
Mais qui est dans une impasse, si ce n’est ce gouvernement qui mène une politique pour laquelle nul ne l’a élu ? Qui applique une stratégie portée par une minorité, si ce n’est ceux qui emploient l’article 49 3 au parlement pour imposer une loi minoritaire ? De qui les français en ont-ils marre, si ce n’est de ce gouvernement ? Qui est illégitime si ce n’est ceux qui imposent une loi rejetée par notre peuple ? Et l’on pourrait continuer la liste… Chacun des propos outranciers contre les actions syndicales se retournent contre leurs auteurs. Et l’on pourrait s’amuser à rappeler à M. Macron que le propre d’une grève est d’une façon ou d’une autre de bloquer l’économie, sinon à quoi bon ? Mais peut être que le même Emmanuel Macron envisage d’aller jusqu’à remettre en cause le droit de grève, droit constitutionnel, protégé par le convention 87 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ?
En réalité, toutes ces outrances traduisent une grande inquiétude. Ils savent leur grande fragilité. Leur arrogance est bâtie sur du sable. Tout cela exprime aussi assez simplement que tous ces ministres insulteurs n’ont plus rien à voir avec les organisations syndicales de salariés. Un tel mépris révèle une culture politique directement puisée des cercles patronaux et de la presse réactionnaire. Et surtout, n’inversons pas les rôles et les responsabilités. La propagande, ça suffit ! Les actions menées par la majorité des organisations syndicales de salariés (CGT, FO, Solidaires, etc..) ne sont que le produit de la brutalité du pouvoir et par son absence criante de soutien populaire. Les jours qui viennent vont être importants. A la posture de fermeté, la détermination de notre mobilisation doit répondre, dans le calme, la discipline et l’unité, sans violences absurdes qui en réalité font le jeu de nos adversaires (qui veulent nous montrer comme une masse dangereuse) et déshonorent ceux qui les commettent, pour obtenir le retrait de la loi El Khomri. Le pouvoir a tort d’envoyer des CRS affronter des salariés qui veulent être respectés. Jeudi 26 mai, une grande manifestation est à nouveau organisée. Il faut en faire un grand succès. Il ne faudra céder à aucune provocation. Vigilance. Une grande majorité de nos concitoyens refusent de se soumettre à un ordre injuste, à une poignée de ministres fanatisés qui veulent imposer par la force une loi qui concernent tous les salariés du pays, et pour laquelle personne n’a été élu. Bien sûr, cette situation aura des conséquences pour beaucoup d’entre nous. Bien sûr, notre quotidien risque d’en être perturbé. Mais que faire d’autre ? Céder face à un pouvoir minoritaire ? Rentrer la tête dans les épaules ? Accepter l’inacceptable ? Pas question. C’est une question de dignité. L’intérêt général passe par le retrait de cette loi.
Pour le reste, « Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » aurait dit le grand Victor Hugo.