Tout d’abord, bravo Monsieur et respect. Pouria Amirshahi, Député élu en 2012 d’une des circonscriptions des français de l’étranger, a décidé hier de quitter le PS. Il s’agit là d’une décision politique, réfléchie et murie, longuement sans doute, évidemment en raison d’un profond désaccord de fond avec la politique du gouvernement actuel. Il l’a prise seul apparemment, et n’a pas perdu de temps à discuter des heures durant avec des décombres du vieux paysage politique qui l’auraient retenu pour essayer de le convaincre qu’il fallait rester encore et encore, donnant ainsi à d’autres un droit de veto sur ses propres décisions.
Comme une mise sous tutelle intellectuelle en quelque sorte. Les actes courageux même collectifs, commencent d’abord par des décisions individuelles. Et, comme toujours, cette décision vue comme « en solo » n’a rien d’un chant solitaire. Je vois d’ailleurs là comme un écho à d’autres discussions et mini-controverses sur la méthode. Passons. Bref, c’est un acte d’insoumis. Je l’applaudis. Cet homme veut simplement que ses actions soient en accord avec sa conscience. Qui peut le blâmer ? Sur la politique de MM. Valls et Hollande le jugement est implacable et valide ce que nous portons dans le débat public depuis 2012. Parmi d’autres formules, de son interview dans Le Monde (lire l’intégralité ici) je retiens une de ses phrases : « La France n’est pas gouvernée par l’aile droite du PS, mais par des néoconservateurs, dans tous les domaines, à quelques exceptions près… D’ailleurs, leurs alliés sont désormais issus du bloc réactionnaire : déchéance de nationalité, état d’urgence, surenchère pénale, droit du travail. »
Une nouvelle fois, je veux saluer ce geste fort. Il n’a rien d’anecdotique comparable au départ du PS de Thomas Thevenoud (souffrant lui d’une phobie administrative dont seuls les privilégiés peuvent se permettre) comme le fait le quotidien Libération par exemple avec une certaine légèreté. Et j’observe au passage l’absence de réaction officielle du côté de la rue de Solférino, même si Amirshahi en était adhérent depuis près de 30 ans. Comment s’en étonner ? Une bureaucratie, de surcroit enivré au biberon de l’ordo-libéralisme, n’a pas de sentiment. Elle n’a que des intérêts : le maintien de ses privilèges matériels. « Un homme à la mer, continuons notre route et accélérons la cadence ! » semble être l’état d’esprit général de ces gens-là, et jouez orchestre, pour couvrir la voix de ceux qui hurlent, même si nous fonçons vers l’Iceberg. Et puis surtout ils n’auraient rien à lui répondre si ce n’est « fais pas l’idiot, pense à ton indemnité mensuelle ». Mais justement, Pouria Amirshahi a annoncé qu’il ne se représenterait pas en 2017… ce qui, pour un cadre solférinien est sans doute ce qu’il y a de plus iconoclaste. Bienvenu dans le camp de ceux qui ne font pas passer leur propre réélection avant leurs convictions. Je mesure ce que cela représente pour en avoir personnellement fait l’expérience.
Plus fondamentalement, je consacre ce billet de blog à cet acte que je considère important, car les analyses publiques que nous livre Pouria Amirshahi pour donner toute sa cohérence à cette rupture sont intéressantes. Nous devons en discuter et je crois que c’est d’abord à lui-même de créer les conditions de cet échange.
Je le cite à nouveau : « Je quitte le PS et le monde des partis en général, rhizomes d’un système institutionnel à bout de souffle. Ils sont devenus des machines électorales sans grande conviction, sans promesse d’avenir heureux pour le pays. Ils sont au mieux incapable, au pire dangereux comme par exemple le Front national. Notre système, confiscatoire de pouvoirs et de richesses, mène à l’abîme démocratique, social ou écologique.
Et les partis semblent ne pas pouvoir faire grand-chose quand ils ne sont pas carrément dans le renoncement ou la complicité. Le mien est sans ressorts, sans idées malgré de nombreuses bonnes volontés avec qui je continuerai de partager des espaces de réflexion et d’action. Il y a chez nous comme ailleurs une caste de technocrates et de possédants de plus en plus puissants, et c’est contre cela que la gauche et les authentiques républicains doivent lutter. »
Que tirer comme conclusions de cette analyse ? C’est là le passionnant nouveau débat qui s’ouvre me semble-t-il. Il nécessite que nous empruntions des chemins nouveaux. C’est aussi ce que nous faisons avec mes amis et camarades. N’y a-t-il pas convergence forte avec ce que nous disons et faisons de notre côté ? Je le crois. Ne retrouve-t-on pas des vues communes dans tout ce qui s’exprime sur le site www.JLM2017.fr ? Avec toutes les contributions que l’on peut y lire ? Avec les 70 000 personnes qui ont apporté leur soutien en 3 semaines ? Pourquoi faire mine de ne pas l’entendre, de ne pas le voir ? Je prends, parmi d’autres, une récente phrase puisée du dernier billet de blog de Jean-Luc Mélenchon que décrit notre feuille de route : « L’objectif est de permettre à une nouvelle majorité de se créer, à partir de l’action populaire, hors des négociations des partis. » Sommes-nous d’accord ? Sur quoi existe-t-il de possibles divergences à ce sujet ? Cette 6e République que nous souhaitons naîtra d’une Assemblée Constituante qui permettra à notre Peuple de se refonder, comment faire avancer cette idée ? Comment affiner toutes ces analyses sur la façon dont les citoyens peuvent s’approprier l’action collective pour en rester maitre jusqu’au bout ? Jean-Luc Mélenchon développe des propositions concrètes dans son stimulant livre l’Ere du Peuple (le droit d’initiative directe notamment, avec l’instauration d’un droit, pour les citoyens, de révoquer les élus à partir de la mi-mandat). Qu’en pense Pouria ? Que pense-t-il de tous ce que nous avons écrit et dit depuis ces années ?
Autre exemple, ma camarade Raquel Garrido a fait l’effort d’en lister une série de propositions dans son Guide citoyen de la 6eRépublique paru chez Fayard. Je la cite aussi car cette dernière fait partie d’une génération militante que Pouria connaît bien. Et bien sûr il y a la contribution si importante du Mouvement pour la 6eRépublique M6R qui participe à cette réflexion de façon stimulante depuis un an et demi, en ayant obtenu l’adhésion de plus de 100 000 personnes. Je les cite eux car ils sont mes amis et mes proches, mais il existe aussi bien d’autres initiatives et cadres de regroupement qui expriment la même recherche et exigence. Aussi, pour répondre à toutes ces questions, et beaucoup d’autres, une discussion entre nous (mais pas seulement) peut apporter des réponses (et des actes utiles). La critique que nous portons sur les appareils politiques et la façon dont ils nourrissent le système antidémocratique de la Ve République, ne doit être pas être prétexte à l’émiettement et, de fait, à l’affaiblissement de nos actes. Ne faisons pas semblant de ne pas entendre ce que disent les uns et les autres, peut être en d’autres termes mais en réalité de façons si comparables, et continuer chacun à courir dans son propre couloir, la nuque raide, en s’interdisant d’observer ce que font les autres ?
Et je dis surtout à Pouria : cette critique fondamentale que nous portons aux institutions actuelles, cette volonté de désobéissance aux traités européens, cette exigence de justice sociale, ce refus de la destruction de notre écosystème ne peut être absent du grand débat qui s’annonce pour 2017. Cette puissante volonté d’insoumission à l’ordre actuel (je devrai dire le désordre) doit faire mouvement commun. C’est urgent. Sinon à quoi bon ? Cette jeunesse qui se dresse contre la loi El Khomri est un élément de la réponse (Avez-vous d’ailleurs signé la pétition demandant son retrait ?). Mais, surtout ne faisons pas que la flatter avec des arrières pensés comme certains pourraient y être tentés, en faisant croire qu’elle seule réglera tous les problèmes. Au passage, je n’oublie pas la contribution déterminante des organisations syndicales (CGT, FO, SUD, etc..) de salariés qui appellent à refuser cette loi scandaleuse, notamment le 9 mars prochain.
Mon message est clair. Que tous ceux qui ont accumulé une expérience indispensable à notre combat commun, ne perdent pas de temps à le faire partager pour en faire un bien commun utile à la lutte. Evitons aussi les facilités. Certains parmi nous ont accumulé des qualités qui doivent être mises à la disposition de tous. Ne faisons pas comme si rien n’existait depuis 2012 notamment. Aller au combat de 2017, avec les meilleurs outils entre les mains, c’est refuser de se vivre comme des minoritaires, comme des vaincus d’avance qui prennent acte « pour l’histoire » et se réfugient dans la « réflexion pour demain » … La victoire sur nos idées est possible, bientôt, maintenant, à condition que nous agissions toujours avec l’ambition de porter au plus haut nos ambitions.
Je conclus par des mots plus personnels. Je connais Pouria Amirshahi depuis plus de 25 ans. Ensemble, nous avons mené beaucoup de combats communs, des engueulades aussi parfois (notamment sur le ton avec lequel nous critiquions ce gouvernement…mais dont il dit autant voire pire à présent), des rires et quelques larmes. Il me revient la grève de novembre et décembre 1995 contre le Plan Juppé et ses conséquences sur les universités où nous militions alors… Constater que nos rêves de jeunesse, malgré le temps passé, convergent, intacts une nouvelle fois, m’apporte une dose de bonheur rassurante en ces heures où la résignation et la mesquinerie triomphent en apparence et servent de masque à des godillots indemnisés. Mais, cette désolation est en apparence seulement. Insoumis, levez-vous ! Ils sont de plus en plus nombreux à le faire. Je veux voir dans le départ du PS de Pouria une nouvelle confirmation que ce vieux monde et son ridicule petit personnel est en train de s’effondrer. Plus rien ne sera comme avant. Le meilleur comme le pire peut naitre de tout cela. Le futur dépend de nous et de tous ceux qui ne veulent plus lier leur sort à cet ordre ancien si détestable en ayant la conviction que le système actuel « mène à l’abîme démocratique ». Oui Monsieur. Et maintenant ? Il faut agir pour changer les choses…