Depuis hier, suite à la colère des salariés d’Air France, quel déferlement d’hypocrisie et de mépris social dans les médias. Il faut constater que ce pays (ou du moins sa super structure médiatico-politique) a perdu l’habitude de voir les luttes sociales et le spectacle cru de la colère du peuple.
Ne comptez pas sur la plupart des médias pour expliquer aux téléspectateurs comment on en est arrivé là. On veut provoquer des réflexes, mais pas des réflexions. Ce qui compte c’est que l’on prenne partie pour la direction. Que l’on pleure le costume déchiré d’un cadre supérieur. Ne cherchez pas à comprendre : condamnez ! Condamnez-vous dis-je ! Le Président de la République explique dans un tweet « Il faut un dialogue social apaisé. S’il est interrompu par des violences inacceptables, cela a des conséquences sur l’attractivité du pays ». On a compris son idée : le problème vient de cette « populace enragée » que l’on va finir par rendre responsable du chômage. Le Premier Ministre Manuel Valls demande, son manifestement connaître le dossier, même aux salariés de « faire des efforts » alors qu’ils ne font que cela depuis des années. En 2012, la direction d’Air France a déjà supprimé 8 000 emplois. Cela fut présenté comme « la » solution pour sauver l’entreprise. Les salariés ont accepté de « faire des efforts » notamment en voyant leurs salaires bloqués et leur productivité fortement augmenté. Pour quels résultats ? Manifestement, cette stratégie a échoué. Cette fois ci, Air France prévoit de supprimer 1.700 postes au sein du personnel au sol, 900 chez les hôtesses et stewards et 300 chez les pilotes à la suite du retrait de cinq avions de sa flotte et de la réduction de fréquences sur 22 lignes, dans le cadre d’une réduction de 3% de son activité long-courrier. Puis, lors d’une seconde phase, qui serait activée en cas d’échec définitif des négociations, la compagnie pourrait procéder à des départs contraints pour la première fois depuis les années 1990, retirer neuf autres avions de sa flotte et fermer cinq lignes en Asie dans le cadre d’une baisse supplémentaire de 7% de son activité.
Comment ne pas comprendre la colère des salariés exaspérés et inquiets ? Personne n’aime la violence physique, ni moi, ni ceux qui manifestaient hier, mais quand des honnêtes salariés expriment un tel degré de colère, due à un sentiment de trahison, je suis de leur côté, sans hésitation. Pas vous ? Que valent alors quelques chemises en comparaison à la violence sociale que constituent les 2900 chômeurs supplémentaires annoncés ? Vous voulez des images choquantes ? En voici d’autres. Moi, elles m’ont indigné, et vous ?
Faites circuler ces images… Personne d’autres ne le fera. Plutôt que de passer en boucle celles de ces deux DRH dont les costumes sont en lambeaux, les chaines de TV pourraient aussi montrer ces images prisent hier lors du CE d’Air France, montrant ses salariés en larmes payés 1800 euros, expliquant leur situation, face à des cadres silencieux et disons-le : arrogants. Ceci explique cela.
Et puis, si la violence indigne M. Xavier Bertrand (Les Républicains) pourquoi fut-il si silencieux quand des actes de violences, forts couteux pour les deniers publics, étaient commis par des responsables du « syndicat » agricole FNSEA ? Idem, lorsque les Bonnets rouges exprimaient leurs colères par des actes violents, le député de droite Marc Le Furr les soutenait et Xavier Bertrand n’y trouvait rien à redire. D’autres exemples existent. Ils illustrent la mauvaise foi des faux indignés et autres faux culs. En appelant au licenciement des ouvriers en colère, douillettement assis derrière son micro, X. Bertrand ne fait qu’exprimer un mépris de classe. Le travailleur doit taire sa colère et finalement se soumettre.
Dans ce concert de fausses indignations pour inverser les responsabilités, la palme revient à M. Alain Vidalies, un temps membre de l’aile gauche du PS et aujourd’hui Ministre délégué aux Transports. C’est la même qui disait il y a quelques mois « préférer la discrimination au risque d’attentat » vous vous souvenez ? Cette fois ci, au micro de RTL, il a demandé « des condamnations pénales » contre les salariés en rage. Pauvre Vidalies ! Quel manque de courage ! Quel refus de lucidité et quel refus de solidarité avec des gens en colère pour des raisons légitimes. Et, le même ira sans doute le 31 juillet rendre hommage à Jean Jaurès l’écharpe rouge au tour du cou, mais sans rougir sur cette usurpation. Car le même Jaurès de son vivant voyait les choses bien autrement. Du côté de ceux qui luttent, toujours ! A l’Assemblée nationale, le 19 juin 1906, le député de Carmaux expliquait aux Bertrand et Vidalies de son époque : « Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclat de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continueront la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connue des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. Cela ne fait pas de bruit ».
Merci M. Jaurès.