Alexis Corbière

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Il est temps d’abroger le concordat d’Alsace-Moselle !

Il est temps d’abroger le concordat d’Alsace-Moselle ! Featured

Retrouvez ma tribune dans Le HuffPost demandant la suppression du concordat d’Alsace-Moselle.

En 2021, renforcer et faire aimer la laïcité exige un minimum de cohérence dans les principes et de refuser tout argument à géométrie variable en fonction des régions ou des religions.

La Laïcité et l’idéal républicain proclament des choses simples : égalité des citoyens devant la loi ; liberté absolue de conscience ; aucun financement public des cultes. Il existe pourtant trois départements métropolitains où ces principes fondamentaux ne sont pas respectés. Trois millions de nos concitoyens y habitent, soit près de 5% de la population. Il s’agit des deux départements d’Alsace et de celui de la Moselle.

En raison d’un épisode tragique de notre histoire – la défaite militaire de 1871 qui entraîna l’annexion, jusqu’en 1918, des trois départements par l’Allemagne – la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 ne pût s’y appliquer. Le concordat signé en 1801 par Napoléon Bonaparte avec le pape , accord qui bafouait alors la première tentative de séparation de l’Etat et de l’Eglise, continue ainsi d’y régir les relations entre les pouvoirs publics et les religions catholique, protestante (luthérienne et réformée), et juive.

Pourtant, ce statu quo ne résulte que d’une situation à l’origine transitoire, malheureusement perpétuée, par la droite cléricale en 1919, puis par la capitulation, en 1924, du Cartel des gauches qui s’était fait élire pour l’abroger.

Cette aberration anti-républicaine n’est pas qu’un sujet local mais bien une question nationale puisque tous les contribuables français dépensent, généralement sans le savoir, plus de 60 millions d’euros chaque année.

Un siècle après la fin de la Première Guerre mondiale, plus rien ne justifie le maintien de ce particularisme inégalitaire et anti-laïque. Est-il républicain que tous les citoyens ne soient pas soumis à la même loi ? Pourquoi devrions-nous graver à jamais dans la loi cette contradiction au motif qu’elle est un produit de l’Histoire ? Doit-on accepter que le passé d’il y a quatre générations soit prétexte à un financement public de religions, qui plus est réservé à quatre cultes seulement, laissant musulmans, bouddhistes, hindouistes et quelques autres encore, à l’écart de ce privilège.

Cette aberration anti-républicaine n’est pas qu’un sujet local mais bien une question nationale puisque tous les contribuables français dépensent, généralement sans le savoir, plus de 60 millions d’euros chaque année pour assurer salaires et logements des prêtres, pasteurs et rabbins, exactement 1393 personnes pour les trois départements.

Ce n’est pas tout : la loi du vicomte de Falloux, qui date de 1850, s’applique encore en Alsace-Moselle. L’enseignement religieux reste obligatoire à l’école publique et les familles des écoliers qui souhaitent y échapper, doivent obtenir une dispense. Chaque élève se trouve ainsi fiché selon son appartenance religieuse, sans que cela choque la CNIL qui a donné son accord en 1995. Face à la désaffection religieuse, le rectorat de Strasbourg a récemment créé des cours d’éveil culturel et religieux (ECR) à l’école publique et au collège.

Soulignons aussi que les dispositions concordataires ont déjà été modifiées sur plusieurs points, notamment le délit de blasphème abrogé seulement en 2017. Cela démontre que l’argument d’une tradition centenaire immuable ne tient pas.

N’acceptons pas aussi l’argument fallacieux que l’abrogation du concordat porterait atteinte aux dispositions sociales avantageuses du droit local d’Alsace-Moselle, héritées des lois bismarckiennes. Au contraire, le République gagnerait à étendre ces dispositions, qui concernent tous les citoyens sans distinction de religion, au pays tout entier.

La suppression définitive de l’anomalie privera enfin d’argument les anti-laïques qui réclament l’extension du système concordataire à d’autres religions ou d’autres territoires. Il est dangereux de laisser les choses en l’état.

Pour terminer, il importe de redire que ce débat n’oppose pas les Alsaciens-Mosellans, qui sont des Français comme les autres et non un peuple à part, au reste du pays. Les défenseurs les plus acharnés du concordat, mis à part les cultes bénéficiaires qui en sont logiquement satisfaits, demeurent, à l’échelle de tout le pays, les fractions politiques les plus conservatrices, cléricales et rétrogrades.

Il est temps d’abroger le Concordat d’Alsace-Moselle ainsi que tous les autres statuts d’exceptions.

Concordat d’Alsace-Moselle : « 1905 est une loi de liberté et d’émancipation bonne pour tous. Il est temps que ce principe s’applique partout! »

Concordat d’Alsace-Moselle : « 1905 est une loi de liberté et d’émancipation bonne pour tous. Il est temps que ce principe s’applique partout! » Featured

Le régime concordataire, créé par Bonaparte et toujours en vigueur en Alsace et en Moselle, qui reconnaît, organise et finance certains cultes sur fonds publics, n’est-il pas aujourd’hui un archaïsme dans une France laïque ? « L’Obs » a sollicité l’avis du député Alexis Corbière (LFI).

Le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle ont été allemands de 1871 à 1918. De ce demi-siècle, la région a conservé une législation en partie distincte de celle du reste de la France : deux jours fériés de plus, une meilleure couverture maladie, etc. Mais le particularisme juridique le plus connu
est le maintien du Concordat instauré par le Premier consul Bonaparte, pas encore Napoléon Ier, en 1801. En vertu de ce régime, les prêtres et les pasteurs – ainsi que les rabbins depuis 1830 – sont des fonctionnaires rémunérés par l’Etat.

Lorsqu’en 1905 la loi de séparation des Eglises et de l’Etat abroge ce système, l’Alsace-Moselle, alors encore allemande, n’est pas concernée. La laïcité, d’accord, mais laquelle ? (Pour le moment, il y en a eu trois différentes). En 1924, le Cartel des gauches, hostile au clergé, souhaite abolir le Concordat, mais renonce face à la levée de boucliers des catholiques. Ce voeu ancien, déjà inscrit au programme de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2012 et 2017, refait surface à l’occasion du projet de loi sur le « séparatisme ». Il est formulé par Olivier Faure, le premier secrétaire du PS (tollé dans son parti !), mais aussi par les dix-sept députés de La
France insoumise, dont l’un des amendements déclare que la loi de 1905 est «applicable sur l’ensemble du territoire de la République ».
Dans l’exposé des motifs, les élus LFI soulignent que le Concordat coûte près de 60 millions d’euros par an, et regrettent que beaucoup de contribuables « doivent payer pour des cultes qu’ils ne pratiquent pas ou qu’ils réprouvent ». Mais, dans la région, maintenir le statu quo est un souhait bien
ancré. Le débat risque de durer encore longtemps.

Pour Alexis Corbière, « La foi ne peut relever du financement public » Pourquoi vouloir abolir le Concordat d’Alsace-Moselle ? Est-ce si grave qu’il existe un espace en France où la laïcité n’a pas cours ?

Actuellement, certains mots, comme « laïcité », sont tordus et manipulés. Aussi, il faut promouvoir nos principes républicains de façon cohérente : aucun citoyen ne peut revendiquer un particularisme, notamment basé sur sa foi, pour échapper à la loi. La laïcité, c’est la séparation des Eglises et de l’Etat. Pourquoi, dès lors, la refuser dans trois départements comme le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle, où vivent près de 3 millions de personnes ? En plus d’un principe piétiné, ce privilège accordé à certaines religions coûte aux contribuables près de 60 millions d’euros chaque année. Je réclame également la suppression du statut de Charles X [roi de 1824 à 1830] en Guyane, où seul le culte catholique est financé sur fonds publics, ainsi que d’autres exceptions, dans les outremers, notamment à Mayotte. L’Alsace- Moselle a conservé d’autres particularité : sécurité sociale avantageuse, jours fériés, etc.

Toucher au Concordat ne risque-t-il pas de remettre en cause ces
acquis sociaux ?

Non, les acquis que vous évoquez sont issus du droit bismarckien, différents du Concordat napoléonien de 1801. Et ces droits sociaux avantageux s’appliquent à tous les citoyens de ces départements. Le Concordat,
lui, ne concerne pas toutes les religions : seuls les prêtres, les pasteurs et les rabbins sont payés par les deniers publics. Sont « oubliés » les 100 000 musulmans d’Alsace-Moselle. Fidèle à 1905, je propose de ne financer aucun culte. Après la guerre de 14-18, le sujet pouvait être sensible, mais on est un siècle plus tard, bon sang ! Je m’étonne surtout que certains de mes contradicteurs invoquent une exception au nom de la tradition ou du droit local. A ce compte, n’importe qui pourra proclamer « Moi aussi, j’ai mon histoire, ma tradition, ma religion spécifique », et revendiquer de ne plus respecter la loi de 1905.

N’y a-t-il pas d’autres priorités politiques en 2021 que l’abolition du Concordat ?

Sans doute, mais c’est le gouvernement qui organise un débat sur son projet de loi fumeux concernant le « séparatisme », dans lequel il veut notamment conforter certains aspects de ce statut d’exception. C’est donc l’occasion d’en reparler. 1905 est une loi de liberté et d’émancipation bonne pour tous. Elle garantit la liberté de conscience et donc la liberté de culte. Dès lors, la foi est une affaire privée, qui ne peut relever du financement public. Il est temps que ce principe s’applique partout, pour tous.

Propos recueillis par T. N.