Plus que le Dieu de la guerre, on oublie trop souvent que dans la mythologie, Mars est aussi et surtout le Dieu de la jeunesse. Celui qui marque la fin de l’hiver puis le début du printemps. Je vois cela comme un présage encourageant aux temps actuels. Et si ce mois de mars était celui de la fin d’un long hiver politique ? Et si c’était le mois du retour du printemps des combats collectifs et des victoires sociales tant espérées ? D’un lendemain meilleur où la jeunesse marcherait devant et nous enorgueillirait de son courage et de son intelligence…
Et si le fond de l’air n’était pas aussi glacé qu’il n’y paraisse depuis quelques mois ?
Et si, loin des débats poisseux sur la religion supposée des uns et des autres, revenait au premier plan la question sociale et la passion inépuisable d’égalité qui caractérise le peuple français ?
Car ces jours-ci, quiconque a pris le temps de discuter du sujet avec ses collègues de travail, au comptoir d’un bistrot ou lors d’un repas de famille l’a ressenti clairement : la loi travail dite « loi El Khomri » fait la quasi-unanimité contre elle. Je lui donne volontairement le nom de la Ministre du Travail qui la porte dans le débat public, bien qu’elle soit en réalité directement l’œuvre de MM. Valls et Hollande. En écrivant cela, je ne minimise pas le rôle personnel de Mme Myriam El Khomri qui savait dès le départ et dès sa nomination qu’elle n’était là que pour faire une « sale besogne » contre le code du travail présenté comme un obstacle à l’emploi. A moins qu’elle n’écoutât pas Manuel Valls et François Hollande dans leurs provocations multiples et répétées marchant dans les pas du Medef. Elle fut choisie dans un but d’efficacité pour incarner une sorte de jeunesse en lutte contre les « conservatismes » qui auraient été les critiques des syndicats ouvriers. Misérables artifices. Ses manœuvres de communicants ont explosées en vol. Tant mieux. Et dans la jeunesse justement, pas celle qui qui comme Mme El Khomri ne connait du travail que la vie si particulière de collaboratrice d’élu ou directement d’élu et ministre, le rejet est très net. Tout le monde est contre cette loi. Comme toujours dans ces cas-là, les raisons du refus sont multiples. La liste est longue. Refus de voir ses droits de salariés remis en cause, inquiétude de connaître une vie professionnelle toujours plus difficile pendant des décennies, colère contre le constat que ses enfants vivront dans des conditions plus précaires que soi-même, indignation d’entendre sempiternellement les mêmes arguments portés par le PS avec les mêmes mots que la droite pour précariser l’ensemble des salariés, etc. Bien sûr, tout le monde ne connaît pas l’ensemble des articles sur le bout des doigts mais chacun a bien compris le danger individuel et collectif du texte. Et je dois dire que je suis étonné de constater combien beaucoup de gens, et particulièrement les jeunes, sont allés sur internet pour se renseigner sur tel ou tel article de la loi dont ils ont entendu parler et qu’ils ont voulu vérifier. Ainsi, par toutes ses capillarités, la société se mobilisent. Elle débat, s’interroge, s’organise… et commence par son action à refuser la fatalité qu’on veut lui imposer à coup de « No future » déprimant. Le niveau de conscience collective monte. Le niveau d’exigence aussi. Et les citoyens refusent de plus en plus les mensonges et les manipulations dont ils perçoivent plus rapidement qu’avant, les rouages et la vulgarité du stratagème.
Place au temps de l’action collective : réussir le 9 mars !
Entrons dans les choses concrètes, le mercredi 9 mars, une première manifestation est appelée par des organisations de jeunesse syndicales, associatives et politiques. A Paris, elles donnent rendez-vous à 14h Place de la République. Cette initiative permet de rassembler l’ensemble des initiatives qui se montaient ici ou là. Des organisations syndicales de salariés seront là également (SNCF, RATP, etc…). Il est important de faire de cette première journée de mobilisation du 9 mars un succès. Cela donnera le ton pour les autres initiatives qui suivent et notamment la grande journée d’action syndicale du 31 mars. Ne minimisons pas ce rendez-vous. Il sera lui aussi déterminant et il est issue d’une réunion intersyndicale ce qui ne s’était pas vu depuis 2013. Les temps changent. Pourquoi ? Un mot d’ordre clair, compréhensible, rassembleur me semble exprimer ce que veut la grande majorité de la population : Retrait de la loi Khomri ! Ni aménagement, ni report, ni réécriture… Retrait !
1986-2016 : Vieilles ficelles contre la jeunesse insoumise
Face à cette jeunesse qui se mobilise, j’observe avec amusement les vieilles recettes et ficelles de tous les gouvernements précédents qui craignent plus que tout qu’un mouvement d’ampleur voit le jour. En cette année 2016, c’est non seulement le souvenir du mouvement contre le CPE il y a dix ans qui me revient en mémoire, mais surtout celui de la grande grève étudiante contre le projet de loi Devaquet en novembre et décembre 1986. 30 ans déjà ! Il y a bien sûr bien des différences. Il n’y avait alors que 800 000 étudiants et le débat concernait essentiellement l’augmentation des droits d’inscription à l’université. Mais déjà la question sociale pointait le nez dans les Assemblées générales étudiantes.
Mais surtout, depuis, contre la jeunesse, les recettes furent toujours les mêmes. Je dis cela car je les entends à nouveau revenir avec leurs gros sabots aux pieds. D’abord, le gouvernement en place affirme que la jeunesse ne l’a pas bien compris, qu’il y a uniquement un problème de communication, que c’est pour ses intérêts que le pouvoir agit et que ceux qui critiquent la loi font de la désinformation. Généralement, pour désamorcer la mobilisation qui s’organise, le gouvernement se donne un peu de temps officiellement pour « convaincre » et « faire de la pédagogie ». En réalité, il essaye de comprendre par quel chemin différent il peut passer pour éviter de dresser tout le monde contre lui. Cette période est généralement occupée à la manœuvre souterraine et à la recherche d’alliés que l’on veut associer à l’enfumage gouvernemental. Puis, une fois le mouvement débuté, s’il prend de l’ampleur, viendra le temps des provocations (généralement c’est la casse à la fin des manifestations mais aussi parfois des « révélations » sur le pedigree de tel ou tel responsable, de la comptabilité du nombre d’étrangers, etc…) pour un peu l’isoler et éviter qu’il soit trop populaire. Puis, assez vite, vient le temps de la thèse de la manipulation. Je prends les paris que des journaux types Valeurs actuelles en feront leur une très prochainement. Généralement, c’est la fameuse théorie des « barons noirs » mis au goût du jour par une talentueuse série TV diffusée sur Canal +. En gros, il s’agit de dire que si les jeunes se mobilisent c’est parce que par derrière un marionnettiste est caché en coulisse. C’est « le » fantasme des bienpensants. Le fil conducteur de cette thèse est le mépris de la jeunesse qui ne peut s’autoorganiser sans un parrain quelconque. Par le passé, j’ai constaté que c’est le moment où la presse ressort des marronniers sur « les trotskystes », les « marxistes », les « mélenchonistes » et tous les « istes » qui font peur aux oligarques. Méfiez-vous de ces articles sur commande où le journaliste récite parfois des âneries ou des fiches des ex-RG. Comme en amour, dans ces articles mal renseignés, ce sont souvent ceux qui parlent le plus qui en font le moins. Et parmi des dirigeants socialistes, certains en quête permanente d’une jeunesse perdue, comme traumatisé par leur passé de militant révolutionnaire révolu, il y a toujours des clients pour dire à la presse qu’ils sont en réalité les grands artificiers du spectacle en cours. Faisant mousser quelques conversations avec tel ou tel responsable jeune, qu’ils rencontrent dans des arrières salles de cafés, ils font aussi savoir au pouvoir en place qu’ils sont les vrais interlocuteurs prioritaires pour que le mouvement s’arrête. Balivernes, pour avoir été témoin de quelques scènes cocasses, je préviens que ces pseudos « barons noirs » sont surtout des éléphants roses en quête de notoriété et de reconnaissance. Personne ne manipule un mouvement de masse quand il a pris de l’ampleur. En réalité, on l’épouse, on lui est utile ou il vous éjecte. Je dis cela sans naïveté. Certains chercheront bien à l’affronter en cherchant à lui faire quitter sa route. Mais gare. Les temps ont changé. La jeunesse d’aujourd’hui n’a plus envie de perdre du temps et d’être le jouet de quelques ambitieux. Elle est salariée, précarisée, méprisée… elle connaît la rudesse de notre monde. Les trois millions d’étudiants de 2016 ne sont pas des filles et fils à papa. Ils sont à l’image de la jeunesse de ce pays. Et j’ai tendance à croire que quand elle entrera en action, cette jeunesse cherchera l’efficacité, avec lucidité et exigence.
Les semaines qui viennent vont donc être passionnantes. La jeunesse de France va faire parler d’elle. J’y crois. Je l’espère. Soyons utile à ses aspirations profondes. C’est le visage de la France insoumise qui s’avance. Sa voix est celle d’un peuple entier qui ne recherche que la justice et l’égalité…