Après le vote très clair et historique en faveur du Brexit qui a eu lieu aujourd’hui au Royaume-Uni, j’ai répondu à une interview pour le quotidien Libération.
Propos recueillis par Rachid Laïreche
Question : Le Brexit est une bonne nouvelle ? Une victoire de la gauche que vous défendez ?
On peut dire que cela ouvre des potentialités, alors que la dislocation de l’Union européenne est engagée. Plus rien ne sera comme avant. C’est l’échec d’une forme d’Europe qui a une adresse : le gouvernement allemand de Mme Merkel allié aux sociaux-démocrates. C’est aussi la défaite de David Cameron et de sa politique d’austérité. Le résultat du Brexit ouvre un débat. Faisons le vivre et trancher dans la présidentielle de 2017 !
La décision souveraine d’un peuple doit toujours être respectée. Évidemment, je n’ignore rien des idées nauséabondes qui progressent également. Mais la faute à qui ? On n’éteindra pas l’incendie nationaliste avec les pyromanes qui le nourrissent chaque jour. Les règles européennes sur les travailleurs détachés, l’institutionnalisation du dumping social en Europe, en opposant les gens entre eux, pour davantage de profit, poussent à la xénophobie.
Comment analysez-vous ce référendum ?
Les eurocrates, gorgés d’arrogance, vivent coupés du monde réel ! C’est la cinquième fois qu’un peuple européen dit « non » à ce que propose l’UE. Il y a eu la France et les Pays-Bas en 2005, l’Irlande en 2008 et la Grèce en 2015. Le problème est plus profond que ce seul vote anglais. Les peuples ont parfaitement compris que les traités européens étaient une partie du problème.
Par exemple l’UE aujourd’hui, c’est la loi El Khomri, la dislocation des services publics, la non prise en compte de l’urgence écologique, la marchandisation de tout, le refus de toutes formes de protectionnisme. Il est normal que les gens qui n’ont que leur travail pour vivre dignement votent non à une organisation pareille, qui est en fait une désorganisation. Ce serait une folie de laisser à l’extrême-droite le monopole de la contestation de ce système injuste et cruel. Je m’interroge au passage si ce n’est pas le rêve des eurocrates : n’avoir face à ceux que l’extrême droite pour justifier leurs méfaits. Pas de chance pour eux mais bonne nouvelle pour la France, nous existons aussi.
Ce vendredi matin, Jean-Luc Mélenchon a déclaré, «l’Europe on la change ou on la quitte», concrètement, ça veut dire quoi ?
Ca veut dire commencer par avoir un gouvernement français qui a une volonté politique réelle. Pas comme Sarkozy et Hollande qui ont avalé les traités de Mme Merkel en contournant le vote des Français de 2005 et 2012. Continuer avec ces règles n’est pas une option pour nous.
Dans l’immédiat du Brexit, il y a des mesures d’urgence à prendre pour que la discussion soit possible sereinement : suspendre la directive sur le détachement de travailleurs et abandonner la négociation du traité TAFTA de libre échange avec les États-Unis.
Il faut sortir des traités européens existants. Il faut repartir d’une page blanche et proposer des coopérations. Le futur président français devra porter ce message. 2017 sera une année décisive avec également des élections législatives en Allemagne et la mise en chantier d’un nouveau traité budgétaire européen, déjà en préparation. Encore faut-il que les Français choisissent des dirigeants qui sachent se faire entendre !
La France a les moyens de changer radicalement les choses. Mais si tous les autres pays ne veulent pas ou si le compromis trouvé n’est pas satisfaisant, nous appliquerons notre plan B, la sortie. Et je ne doute pas que beaucoup d’autres pays européens nous rejoindront.
Les insoumis sont favorables à un référendum en France ?
Évidemment ! Jean-Luc Mélenchon a toujours dit que la décision de passer du plan A au plan B reviendrait aux Français par référendum.
Nous sommes partisans de la souveraineté populaire, partout. Sur les questions européennes mais aussi en France avec une 6e République et dans les entreprises avec des droits nouveaux pour les salariés. C’est la grande différence avec l’extrême-droite qui voudrait faire du « Merkel made in France ».
En 2005, le référendum a été bafoué. C’est le pêché originel des eurocrates. Nous avons réclamé un référendum sur le traité de Lisbonne et le traité budgétaire européen. A chaque fois, Hollande et Sarkozy l’ont empêché. Un nouveau traité budgétaire est déjà en préparation au niveau européen, en cachette. Va-t-il aussi être imposé sans référendum ?
Si on ne veut pas de cela, il faut changer de dirigeants l’an prochain. Ceux qui ont échoué doivent laisser la place, pour que renaisse une France insoumise en Europe.