Après une longue incapacité des « frondeurs » depuis 2012 à incarner une opposition cohérente et efficace au gouvernement, après avoir aidé Manuel Valls à devenir Premier Ministre, après avoir refusé de faire chuter le gouvernement en ne votant pas la motion de censure contre la loi El Khomri, revoilà les frondeurs à l’épreuve des faits. Selon moi, ils doivent changer radicalement de stratégie. A moins qu’ils ne souhaitent être, une nouvelle fois, d’aucune utilité dans la prochaine échéance électorale, si ce n’est de tenter leur réélection comme parlementaire. Eux aussi ont rendez-vous avec l’Histoire, seront-ils à la hauteur de la situation… ou la crainte de perdre des mandats ou des positions acquises va-t-elle définitivement les tétaniser ?
Le filtre très serré de la primaire
La réunion de ce week-end des « frondeurs » à la Rochelle et la seule nouvelle invitation à, je cite, « une grande primaire de toute la gauche » attestent pourtant une nouvelle fois de leur incompréhension totale à saisir les enjeux réels du moment. On se lasse de les voir ainsi perdre du temps. Une posture ne fait pourtant pas une politique. Il est d’abord regrettable qu’ils ne saisissent pas les logiques implacables des primaires PS qui ne mobilisent qu’une sociologie de personnes très typées, plutôt CSP + et sensibles aux consignes des élus locaux, tenant à distance les milieux populaires, privilégiant les injonctions des sondages et ceux qui disposent de moyens financiers conséquents. Pourtant, malgré son effet déformant, c’est bien à travers ce « tamis social » qu’ils entendent faire passer toutes les aspirations à en finir avec le dernier parti qui soutient encore le gouvernement. Pourquoi ne comprennent-ils pas ce paradoxe ?
Les frondeurs n’invitent qu’à une primaire : celle de Solférino
Et puis cessons les faux semblants et appelons les choses par leur nom. Les frondeurs disent la même chose que Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS. Cela devrait les inquiéter un peu, non ? En ce mois de septembre, à 8 mois du premier tour de l’élection présidentielle, cette prétendue « grande primaire » que nous rabâchent les frondeurs, ne peut être qu’un ralliement précipité à celle organisée et contrôlée par l’appareil du PS, bien sûr en présence de François Hollande ou de son éventuel remplaçant. Y participer implique par loyauté que l’on accepte d’en reconnaître le verdict, c’est à dire un potentiel effacement derrière le premier responsable de la catastrophe actuelle. Comment un tel exercice est-il possible sans reniement d’un côté ou de l’autre ? Après toutes les critiques que nous avons fait entendre, comment faire accepter l’idée que l’on puisse disparaître au profit du Président sortant ou son remplaçant ? Ou, autre cas de figure, comment croire que les plus de 200 députés PS qui soutiennent le gouvernement actuel pourront se rallier à une candidature qui désapprouvent la quasi-totalité de leurs votes durant ce quinquennat ? Est-ce bien sérieux ? Qui ne voit pas le terrible cadeau que cela représenterait pour la droite et l’extrême droite et la disparition programmée durant de longues années de toute représentation significative du camp progressiste ?
Le soutien du sigle PS est contre-productif
Raisonnons par l’absurde et imaginons qu’un tel processus voit le jour. Qui peut croire qu’une réelle dynamique est possible en additionnant des contraires ? Qui croit qu’un salarié qui a manifesté contre la remise en cause du Code du travail pourra se retrouver à soutenir dès le premier tour le même candidat que Mme Myriam El Khomri ou M. Manuel Valls en affichant une unité de façade ? Et même si d’aventure certains voulaient se prêter à ce jeu cynique, qu’aucun candidat sérieux ne peut incarner, nulle vague populaire ne se lèverait en avril. Au contraire, elle s’en détournerait, dégoûtée par l’hypocrisie hurlante qui dégoulinerait de ce spectacle. Car la réalité est là. La primaire vise à estampiller du sigle PS un candidat alors que c’est fondamentalement contre-productif. Les électeurs ne sont pas des idiots. Ils savent reconnaître une marque qui propose des produits avariés. C’est cela d’ailleurs qu’à compris un personnage comme Emmanuel Macron. Il s’émancipe des vieux partis. Il apparaît comme un homme, une sorte de Bernard Tapie sympa et bien élevé, qui porte ses idées jusqu’au bout. Certes l’opération de com’ aura du mal à tenir la distance mais essayons d’en comprendre les ressorts.
Fait nouveau : désormais le PS est minoritaire dans la gauche
Ce que les frondeurs n’arrivent pas à admettre au terme de ce quinquennat désastreux, c’est qu’aucun cas de figure portant un responsable PS au second tour n’est possible. Là encore ils pensent et agissent comme la direction actuelle du PS. Et pourtant, toutes les enquêtes d’opinion en attestent. Et c’est un fait à ne pas sous-estimer : désormais le PS est minoritaire dans la gauche. Pour beaucoup qui sont engagés dans ce parti depuis longtemps, c’est la fin d’un monde. Soit. Mais l’évidence est là. Pour la présidentielle qui vient, aucun rassemblement ne sera plus envisageable derrière un socialiste. Aucun haut dirigeant de ce gouvernement ou ex ministre ne peut incarner la grande volonté de changement qui se lève dans le pays. C’est tout l’inverse, il symbolisera ce que des millions de nos concitoyens veulent sanctionner. En 2017, l’évolution sociale-libérale du PS, et la violence de la politique anti-sociale du gouvernement depuis 2012, a tourné une page d’histoire née dans les années 70. Nous sommes entrés dans un nouveau cycle. L’unité artificielle de sigles et d’appareils politiques ayant participé à ce gouvernement n’est plus porteuse de force propulsive significative et potentiellement majoritaire. Les frondeurs doivent comprendre la nouvelle période dans laquelle nous entrons. L’avenir ne s’écrit plus à coup de « programme commun PS-PCF » et d’Union de la Gauche tel que cela se déclinait il y a quelques décennies… En seront-ils capables ? Pas sûr. Quand s’use un programme et une stratégie, s’use avec lui les générations qui l’ont porté… m’a-t ’on appris dans ma formation de jeunesse.
La nouveauté en 2017 : la candidature Jean-Luc Mélenchon en force !
En revanche, la nouveauté du paysage politique, et c’est une bonne nouvelle, c’est que parallèlement à la dégringolade de François Hollande et de tout autre candidat PS, une candidature progressiste, écologiste, sociale et républicaine ne cesse de progresser et incarne cette profonde volonté de rupture avec le vieux paysage politique. La force de cette candidature s’est précisément qu’elle s’est construite depuis longtemps à distance des coups tordus de la rue de Solférino, c’est qu’elle ne vient pas d’apparaître à quelques mois de l’échéance présidentielle. La confiance populaire qui la porte vient d’abord de sa cohérence et d’une forme de courage politique. Je parle bien sûr de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Ouvrons les yeux. Elle est la seule en capacité de rassembler tous ceux qui veulent sanctionner la politique du gouvernement en s’opposant aux candidats de la droite et du FN. C’est vers elle que peut converger les millions d’abstentionnistes et les électeurs écologistes ou socialistes déçus. Aucun autre candidat ne peut incarner cette synthèse qu’autorise le cadre large de la « France Insoumise » où chacun peut s’engager librement.
Une seule candidature progressiste peut être au second tour : celle de Mélenchon
Il est donc temps que les frondeurs disent les choses clairement et ne se réfugient plus derrière des formules alambiquées. Pourquoi évoquent-ils encore des cas de figures qu’ils savent matériellement impossible ? Pourquoi démobilisent-ils leurs derniers soutiens en répétant qu’il est possible qu’ils soutiennent in fine François Hollande s’il emporte la Primaire ? Clarifions cette affaire. Pour qui appelleront-ils à voter dès le premier tour si la primaire était emportée par Hollande ou l’un de ses clones alors que la candidature de Jean-Luc Mélenchon sera également sur les rangs ? Consacreront-ils leur énergie à porter un authentique candidat de gauche au second tour ? Ou préfèreront-ils le confort des vieilles habitudes pour tenter de sauver leurs investitures pour les législatives qui suivent en soutenant le président sortant ? Veulent-ils vraiment empêcher un second tour droite / FN ou travaillent-ils au seul profit du PS dans la seule obsession d’éviter son explosion ? Leur division en quatre candidats, incapable de s’entendre, semble attester de leur impossibilité à incarner un rassemblement qu’ils exigent pourtant de la part des autres et uniquement derrière un processus tenu en main par l’appareil solférinien. Et aucune photo avec des sourires forcés ne fera oublier ses rivalités incessantes qui minent les frondeurs depuis des années, et qui ne sont pas prêtes de s’éteindre.
Agir avec enthousiasme pour mobiliser le plus grand nombre : cessez d’éplucher vos oignons
Assez de sectarisme à vocation disciplinaire. La crise qui déchire le PS ne vient en rien de l’existence d’autres candidats. Ce fut toujours ainsi depuis 1965. Les difficultés du PS viennent du PS lui-même, de la politique du gouvernement qu’il soutient, de sa faillite idéologique, et même de l’incapacité de « ses frondeurs » à modifier quoi que ce soit en interne.
Dès lors, qui peut croire qu’aux canonnades libérales qui pilonnent tant d’acquis sociaux, qui pulvérisent la vieille scène politique, c’est avec quelques frondes dont l’élastique est cassé, sans rien changer à ses habitudes, que l’on pourra riposter ?
Que les frondeurs cessent d’éplucher des oignons pour faire pleurer le peuple de gauche. Haut les cœurs ! Etre au second tour est possible et cette perspective enthousiasmante s’incarne dans la candidature de Jean-Luc Mélenchon.