Pour le peuple, contre le Front National

Ce billet est extrait d’un long article co-écrit avec mon ami Matthias Tavel afin d’être publié dans l’ouvrage collectif « Pour le peuple, contre le Front national ». A commander ici.

 

Pour le FN, la solution passe par le « retour » à la Ve République

« Quand certains parlent d’aller vers la 6e République, je leur dis : revenons déjà à la 5e » ainsi s’exprime Marine Le Pen, en septembre 2014. Le message est clair. La nouvelle présidente du FN se satisfait du caractère infantilisant pour le citoyen des institutions actuelles. Pour elle, le problème ne vient pas de la concentration de pouvoirs sur le président de la République, de l’absence de contre-pouvoir parlementaire ou populaire réels, etc… mais exclusivement de l’adaptation à l’Union européenne et du comportement individuel du personnel politique. A ce sujet, il est intéressant de constater combien toutes les mœurs les plus détestables de la Ve République s’épanouissent au FN. Le cumul des mandats, une des métastases les plus insupportables du mal qui ronge notre vie politique, se pratique allègrement par les chefs FN.

En avril 2013, dans son programme, on pouvait lire : « Le Front national est favorable au non-cumul des mandats. Il permettra en effet de renforcer la défense de l’intérêt général qui doit motiver l’action de tout député, élu de la nation, moins tenté de satisfaire à quelque intérêt local ». Le FN écrivait aussi : « Voter la loi et contrôler l’action du Gouvernement sont des tâches solennelles et lourdes qui ne sauraient se contenter d’élus à temps partiel accaparés par ailleurs par un mandat de maire ». A l’Assemblée, le 21 janvier 2014 le député FN Gilbert Collard avait également clamé « le cumul c’est dangereux, quel que soit le domaine de cumul ». Toujours à l’Assemblée, le 19 novembre 2013, la députée Marion Maréchal-Le Pen avait affirmé que ceux qui s’opposent au non-cumul sont « une caste » « attachée à ses privilèges ». Elle expliquait ensuite que « le non cumul est la seule façon de lutter contre l’absentéisme » car « personne n’a le don d’ubiquité ». Le cumul était l’expression d’une « endogamie, vieille d’un demi-siècle ».

Aujourd’hui, comme bien d’autres en Ve République, ils ont oublié leurs paroles. Marine Le Pen, parlementaire européenne et conseillère régionale est candidate à la tête de liste aux élections régionales dans le Nord-Pas de Calais Picardie. Elle a même cumulé un temps trois mandats en ajoutant celui de conseillère municipale d’Hénin-Beaumont. Lorsque la loi l’a obligé à en céder un, c’est ce mandat qu’elle a abandonné, sans doute parce que c’était le seul qui ne donnait pas droit à une indemnité. Louis Alliot, vice-président du FN, lui aussi déjà parlementaire européen, sera à son tour tête de liste en région Midi Pyrénées. Et Marion Maréchal-Le Pen conduira la liste aux élections régionales en PACA ! Malgré son jeune âge, et ses déclarations contraires à la tribune de l’Assemblée, elle accepte après deux ans seulement de mandat parlementaire de faire partie de cette caste qui cumule les mandats. A son propos, et comme sa tante, on ajoutera qu’elle est aussi le produit d’une endogamie politique, typique de la Ve République, puisqu’elle doit son mandat et ses positions dans le parti au fait d’appartenir à une famille qui contrôle le FN depuis plus de 40 ans. Les déchirements les plus récents de ce clan, où le vieux chef à la fois père et fondateur est exclu dans la douleur pour une opération de communication électoraliste, ne sont que la manifestation grotesque du fonctionnement « monégasque » de ce parti.

La cerise sur le gâteau du frontisme cumulard est sans aucun doute logée, comme de coutume, au Sénat. 100 % des sénateurs FN sont des cumulards, parallèlement maires de leurs communes (Fréjus et le VIIe secteur de Marseille), très absentéistes et qui entendent le rester. Leur démission entrainerait pourtant automatiquement leur remplacement par un autre militant FN. Qu’importe, ils s’accrochent. Ils épousent ainsi les pires mœurs de la Ve République. On comprend leur refus de changer de Constitution. Le programme du FN, c’est le cumul des mensonges et de l’hypocrisie.

Dénoncer l’imposture Le Pen

Le FN est une imposture. Une imposture quand il se prétend patriote alors qu’il est un parti étranger à tout ce qui fonde la France républicaine : les idées des Lumières, la grande Révolution de 1789, la Commune de Paris, la Résistance. Une imposture quand il se prétend parti de la France alors qu’il est le parti de la France anti-républicaine, c’est-à-dire de l’anti-France aux yeux des patriotes républicains que nous sommes, fidèles à la dynamique sociale de la Révolution française.

La laïcité est aussi victime de l’imposture FN puisque le FN se prétend laïque mais défend le Concordat d’Alsace-Moselle et il soutient des maires organisant des crèches dans les mairies et des messes municipales comme Robert Ménard à Béziers. L’imposture morale d’un parti prétendant avoir les mains propres et la tête haute est éclatante quand son fondateur a hérité d’une fortune colossale dans des conditions suspectes, ses principaux dirigeants cumulent les mandats, sa présidente est amie avec l’organisateur de la fraude fiscale de Jérôme Cahuzac et le parti lui-même est soupçonné de financement illicite de campagne électorale.

L’imposture du programme « social » du FN

Mais le FN de Marine Le Pen c’est évidemment l’imposture de son discours « social » relayé complaisamment par la plupart des grands médias. Imposture sociale d’un parti qui organise en réalité le « grand remplacement » du social par les questions identitaires, ethniques ou religieuses.

Non le FN n’a pas un programme social, encore moins un programme « ressemblant » à celui du Front de Gauche. Ce mensonge honteux, inventé par quelques lourds manœuvriers, dont certains logent tant au PS que chez Les Républicains (ex UMP), ne résistent pas à l’examen de quelques faits.

1) « Augmenter le SMIC est une mauvaise mesure » Qui parle ainsi ? L’UMP ? Le Medef ? Non, c’est Marine Le Pen Présidente du FN qui adresse ainsi un bras d’honneur à plus de 13% des salariés français payés au SMIC, c’est à dire seulement 1135,99 euros de salaire net. Elle qualifie une augmentation du SMIC de « broutille » et de « mesurette ». Sur quoi se basait donc Hélène Bekmezian pour écrire le 7 février 2012 dans le journal Le Monde que Marine Le Pen défendait la hausse du SMIC comme Jean-Luc Mélenchon ? Sur ce point, le programme de Le Pen, c’est celui de Sarkozy, de Valls et Hollande et du MEDEF : des baisses de cotisations sociales pour augmenter fictivement le salaire net sans augmenter le salaire brut. Le message de Le Pen dit aux salariés c’est : « donne-moi ta montre et je te dirai l’heure ».

2)   Marine Le Pen s’est aussi dit « farouchement opposée » à l’encadrement des loyers, qui est, selon elle, une mesure « dirigiste, presque communiste ». Tous ceux qui dans les grandes agglomérations notamment payent des loyers exorbitants dans lequel ils engouffrent parfois près de la moitié de leurs revenus sont prévenus.

3)   Le revenu maximum et le salaire maximum que nous proposons sont pour Marine Le Pen une « fausse bonne idée, version soviétique ». Les grands patrons scandaleusement rémunérés apprécient le soutien lepéniste à leur pillage et au partage inégal des richesses.

4)   Le FN ne propose aucun droit nouveau pour les salariés contre les licenciements boursiers et les actionnaires.

Ces quelques exemples, parmi d’autres, démontrent une nouvelle fois que le programme économique et social du Front National n’a rien à voir avec celui du Front de Gauche et que les travailleurs, même Français depuis des générations, n’ont rien à y gagner et beaucoup à y perdre.

En réalité, rien n’a changé, Marine Le Pen demeure la présidente d’un parti d’extrême droite, comme son père avant elle. La finance n’a rien à craindre du FN, au contraire. Ainsi, pour Marine Le Pen, « La nationalisation temporaire des banques ne doit s’effectuer que si les banques sont en très grave difficulté ». Elle défend là une vision libérale assez classique, cherchant seulement à nationaliser si nécessaire les pertes pour mieux privatiser les profits. La question de la dette symbolise cet alignement du FN sur les intérêts de l’oligarchie. Déjà lors des élections européennes de 2014, Bernard Monod, conseiller économique de Marine Le Pen et candidat FN dans la région Centre déclarait : « Pour nous, il n’est pas question de faire défaut sur la dette. Notre modèle de patriotisme économique est de retrouver l’indépendance de la France mais aussi de rassurer les marchés financiers » ! Au lendemain de la victoire de Syriza en Grèce, Marine Le Pen a dit la même chose. Le 4 février 2015, elle a ainsi affirmé dans un communiqué de presse être « pour le principe du remboursement de la dette » par la Grèce car « une dette est une dette ».

Geler le SMIC, sauver les actionnaires des banques, interdire toutes formes de contrôles sur les hauts revenus indécents… l’oligarchie peut dormir tranquille, Le Pen et ses amis veillent sur ses intérêts.

La 6e République, arme anti-FN

(Nota bene : Sur le sujet, je conseille toujours la lecture de l’excellent livre de Raquel Garrido : Guide citoyen de la 6e République – Editions Fayard)

Ce n’est pas un hasard. La défense de la Ve République et du capital sont les deux faces de la même fausse monnaie. Le discours du FN sur la souveraineté n’est qu’une coquille vide, un leurre, un attrape gogo pour citoyen désorienté. En République, souveraineté nationale est synonyme de souveraineté populaire : la nation est le peuple des citoyens fondé par la République. Or il ne peut y avoir de souveraineté populaire dans la Ve République. Et encore moins de souveraineté populaire sans maîtrise collective par le peuple des grands moyens et règles économiques.

Le combat pour conquérir une souveraineté populaire réelle rompant avec les institutions actuelles, est un donc axe majeur pour ceux qui veulent lutter contre les idées d’extrême droite. Ce doit être un combat pour de nouveaux droits, pour de nouvelles libertés. Cela permet d’engager la lutte de façon positive, pour améliorer la vie, pour le bonheur et la dignité, et non seulement en réaction à la progression du FN, ce qui d’ailleurs mobilise de moins en moins de nos concitoyens qui, même s’ils n’aiment pas les racistes, sont aussi sensibles à ne pas être instrumentalisés.

Il s’agit donc de mener campagne pour l’élection d’une Assemblée constituante afin de passer à une 6eRépublique démocratique, sociale et écologique. Une 6eRépublique qui devrait donner des droits nouveaux aux citoyens de contrôle démocratique comme le droit de révocation des élus, qui prendra en compte le vote blanc, qui établira un mode de scrutin proportionnel réel, ainsi que de nouveaux droits sociaux dans les entreprises et les grandes institutions publiques. Elle pourrait aussi établir des droits sur le terrain écologique comme la « règle verte » (c’est à dire éteindre la dette écologique engendrée par le capitalisme et le productivisme) qui pourrait être établie constitutionnellement. Tout ceci n’est pas un côté de la lutte. Elle en est le cœur. Tous ceux qui défendent les institutions de la Ve République sont mécaniquement impuissants pour affronter le FN.

Fondamentalement, face à l’extrême droite, il s’agit de remobiliser le peuple abstentionniste sans lequel rien n’est possible. Pour cela, il faut répondre à la question fondamentale que des millions de femmes et d’hommes se posent : qu’est ce qui me garantit que cette fois-ci mon vote sera respecté, que les choses changeront vraiment, que ceux qui seront élus ne feront pas comme leurs prédécesseurs, que je pourrai contrôler les élus et agir sur eux, que j’exercerai réellement ma part de souveraineté ? La réponse tient dans le fait que nous devons lutter ensemble pour que les règles démocratiques changent et qu’elles soient collectivement débattues. Par ce processus constituant, le peuple se redéfinira comme Peuple politique, c’est à dire une entité collective consciente qui fixe librement les règles de ses prises de décision, de contrôle et d’intervention populaire. En un mot, un Peuple qui redevient souverain et indépendant de toute pression anti-démocratique.

C’est là un thème majeur contre l’extrême droite qui nous différencie nettement d’elle. Car pour notre courant de pensée, contrairement au FN, la restauration de la souveraineté n’est pas un simple retour à la Ve République débarrassée de ses relations avec l’Union européenne. Nous devons démasquer cette imposture de Marine Le Pen et ses amis. Ce combat pour la souveraineté populaire est par nature une question sociale. Il ne peut y avoir de peuple souverain sans citoyens libres et capables de vivre dignement et de décider de la gestion des biens publics hors du marché. Surtout, la souveraineté du peuple ne doit pas s’arrêter aux portes des entreprises. Dans une 6e République, les travailleurs doivent obtenir plus de droits sociaux dans l’entreprise, plus de possibilités de contrôle sur les décisions et nous devons interdire tous les licenciements boursiers, c’est à dire dans des entreprises qui réalisent des bénéfices. Bref, le combat pour la 6e République est aussi un combat de classe.